La moitié de l’équipe soupçonnée d’avoir braqué le camion transportant la collection du couturier Balmain en septembre dernier a été jugée ce mercredi à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Ces jeunes férus de haute couture ont nié les faits en bloc. Des peines jusqu’à un an et demi de prison ferme ont été prononcées. L’un d’entre eux a été relaxé.
Pure coïncidence. Ce mercredi soir à l’heure où tombait le délibéré à Bobigny, la maison Balmain dévoilait à Paris ses créations automne hiver 2024-25. Cette fois, le directeur artistique de la griffe de haute couture, Olivier Rousteing n’aura pas eu à refabriquer en catastrophe une bonne partie de sa collection.
En pleine fashion week, donc, six hommes comparaissaient à la 18e chambre au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) dans le braquage de la collection Été de la maison Balmain en septembre dernier. Les avocats de la défense ont demandé un nouveau renvoi du dossier. Le tribunal a finalement coupé la poire en deux, sans réelle explication. Trois prévenus seront jugés le 13 mars. L’autre moitié de l’équipe a été jugée ce mercredi : Nassim D. et Djibril S. qui comparaissaient détenus, et Nadir M. Les deux premiers ont été condamnés respectivement à 3 ans de prison dont 18 mois avec sursis et à 3 ans dont deux ans avec sursis. Le troisième a été relaxé.
16 septembre 2023. À 8h42, la camionnette banalisée qui transporte les tenues du défilé — 146 colis d’une valeur de plus de 500 000 euros — de Roissy à Paris, est percutée par une Renault Talisman. Quatre hommes à leur bord. Deux d’entre eux, encagoulés, en sortent. Ils partent avec l’utilitaire renfermant un an de travail du couturier. Deux heures plus tard, la camionnette Mercedes est retrouvée à Mitry-Mory (Seine-et-Marne) avec seulement 32 colis à l’intérieur.
Trois hommes ont été identifiés car leur ADN avait été retrouvé dans le véhicule Renault Talisman, volé, qu’ils avaient abandonné. Des investigations minutieuses sur la téléphonie déboucheront sur l’interpellation des six suspects en janvier. Tous ont en commun de lourds antécédents judiciaires, et une passion pour les marques de luxe. Ici ce sont les braqueurs qui s’habillent en Prada. Ou, vraisemblablement, en Balmain. Mais tous nient les faits.
Dans le box, Nassim H., 23 ans, pull à col roulé gris et petite barbiche, est poursuivi pour vol aggravé et association de malfaiteurs. Ce n’est pas un primo délinquant. Il a déjà été incarcéré pour un enlèvement-séquestration. Son ADN a été relevé sur le volant du véhicule Renault Talisman volé qui a accroché le livreur. « C’est de l’ADN transportable », évacue l’intéressé. « Tous les jours je suis en voiture. Elles me sont prêtées par des connaissances », poursuit-il évasif. Même si sa ligne borne aux mêmes endroits que les principaux acteurs de l’opération, notamment à 4 heures du matin, le jour du vol. La procureure, Elsa Jacquemin demandera 6 ans de prison.
« L’autre partie de la collection ? Je l’ai vendue, je sais pas à qui »
À ses côtés, Djibril S., 25 ans, vêtu du même pull sobre que le précédent. Il répète qu’il « ne comprend pas » les accusations qu’on lui oppose. À son domicile seront pourtant retrouvées dix pièces de la collection volée. Une veste blazer matelassée, des pantalons avec un dragon brodé qui ont fait fureur lors du défilé. Le reste du butin a été écoulé, et jamais retrouvé. « Des vêtements achetés sur Snapchat dans un showroom », balaie le jeune homme qui fut un temps employé à la ville de Bobigny. « Sans activité » au moment de son interpellation, il est soupçonné d’être l’un des braqueurs. Son ADN l’a lui aussi trahi.
Il sert des explications cousues de fil blanc. « J’ai donné le Renault que j’ai volé. En échange contre les vêtements ». Le président Gerbault s’enquiert : « Combien de pièces ? », « Oh pas beaucoup. Y’avait pas toute la cargaison. L’autre partie, je l’ai vendue. Mais je sais pas à qui », poursuit Djibril. Il glisse aussi sur son téléphone qui borne au même endroit que les autres, à quelques heures du braquage.
5 ans de prison sont requis en raison « d’un ancrage dans la délinquance et des précédents dans le vol aggravé ». Son avocat plaide la relaxe. Toute comme le conseil de Nadir M. 24 ans, tout de noir vêtu et sous contrôle judiciaire. Lui aussi a un parcours semé de condamnations. Il a un rôle moins actif dans la bande. On lui reproche d’avoir assisté aux repérages dès le 2 septembre. Lors de la perquisition, les enquêteurs de la PJ 93 sont tombés sur un vestiaire de fashion victime : des vêtements griffés Prada, Dolce Gabbana, Dior. Son avocat Me Paul Louveau, dénonce : « un dossier où il n’y a absolument rien ». Ce n’est pas la conclusion du ministère public qui demande 18 mois de prison avec sursis. Mais celle des juges, puisqu’il est relaxé.
Le 13 mars prochain, le reste du commando sera jugé devant la 18e chambre du tribunal de Bobigny.