TOURNANT. Le chef de l’État a demandé au garde des Sceaux de prendre des mesures d’amnistie, qui pourraient concerner des ténors de l’opposition.
Le chef de l’État sénégalais Macky Sall a créé la surprise en demandant au garde des Sceaux, lors du conseil des ministres du 29 septembre, d’« examiner les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote », sans citer de nom. Pour certains observateurs, il ne fait aucun doute, le geste peut être vu comme annonçant le probable retour au premier plan de Khalifa Sall et Karim Wade, personnalités à la trajectoire abruptement interrompue par des condamnations qu’ils dénoncent comme un complot.
Pour d’autres, cette initiative est largement interprétée comme une manœuvre pour fracturer une opposition revigorée en vue de la présidentielle de 2024. En tout cas, elle conforte ceux qui pensent que Macky Sall (sans parenté avec Khalifa) briguera un troisième mandat en 2024.
Macky Sall, élu en 2012, réélu en 2019, a placé cette requête sous le signe de « l’ouverture politique ».
Stratégie du pouvoir
Bien que personne ne soit nommé, la presse a aussitôt discerné les figures de Khalifa Sall et Karim Wade. S’ils recouvrent leurs droits électoraux, ils pourront concourir à la présidentielle et ne laisseront donc pas la voie dégagée à Ousmane Sonko, chef de file actuel de l’opposition. Interrogée sur les plans du chef de l’État, la présidence n’a pas répondu. « Sans les citer nommément, le chef de l’État avait certainement en tête les cas de Khalifa Sall et Karim Wade », écrit le journal Le Quotidien.
Karim Wade, 54 ans, fils, proche collaborateur et ministre de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), a été condamné en 2015 à six ans de prison ferme et à plus de 210 millions d’euros d’amende pour enrichissement illicite sous la présidence de son père. Écroué en 2013, il a bénéficié d’une grâce présidentielle et a été libéré en 2016.
Les autorités l’ont empêché de se présenter à la présidentielle de 2019 à cause de sa condamnation.
Sénégal : le président Macky Sall ouvre la voie à une amnistie de certains opposants
TOURNANT. Le chef de l’État a demandé au garde des Sceaux de prendre des mesures d’amnistie, qui pourraient concerner des ténors de l’opposition.Par Le Point Afrique
Publié le 30/09/2022 à 12h00
Temps de lecture : 3 min
Le chef de l’État sénégalais Macky Sall a créé la surprise en demandant au garde des Sceaux, lors du conseil des ministres du 29 septembre, d’« examiner les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote », sans citer de nom. Pour certains observateurs, il ne fait aucun doute, le geste peut être vu comme annonçant le probable retour au premier plan de Khalifa Sall et Karim Wade, personnalités à la trajectoire abruptement interrompue par des condamnations qu’ils dénoncent comme un complot.
Pour d’autres, cette initiative est largement interprétée comme une manœuvre pour fracturer une opposition revigorée en vue de la présidentielle de 2024. En tout cas, elle conforte ceux qui pensent que Macky Sall (sans parenté avec Khalifa) briguera un troisième mandat en 2024.
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Macky Sall, élu en 2012, réélu en 2019, a placé cette requête sous le signe de « l’ouverture politique ».
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Stratégie du pouvoir
Bien que personne ne soit nommé, la presse a aussitôt discerné les figures de Khalifa Sall et Karim Wade. S’ils recouvrent leurs droits électoraux, ils pourront concourir à la présidentielle et ne laisseront donc pas la voie dégagée à Ousmane Sonko, chef de file actuel de l’opposition. Interrogée sur les plans du chef de l’État, la présidence n’a pas répondu. « Sans les citer nommément, le chef de l’État avait certainement en tête les cas de Khalifa Sall et Karim Wade », écrit le journal Le Quotidien.
Karim Wade, 54 ans, fils, proche collaborateur et ministre de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), a été condamné en 2015 à six ans de prison ferme et à plus de 210 millions d’euros d’amende pour enrichissement illicite sous la présidence de son père. Écroué en 2013, il a bénéficié d’une grâce présidentielle et a été libéré en 2016.
Les autorités l’ont empêché de se présenter à la présidentielle de 2019 à cause de sa condamnation.
Quant à Khalifa Sall, 66 ans, maire de Dakar depuis 2009, il a été reconnu coupable du détournement d’environ 2,5 millions d’euros des caisses municipales, et condamné en 2018 à cinq ans de prison. Emprisonné en 2017, il a recouvré la liberté en 2019 à la faveur d’une grâce présidentielle. Mais la Cour constitutionnelle a auparavant rejeté sa candidature à la présidentielle en invoquant sa condamnation.
Khalifa Sall et Karim Wade crient à l’instrumentalisation de la justice pour les écarter, ce que nient les autorités. Ils restent engagés en politique avec l’opposition. Mais les contraintes ou les incertitudes attachées à leurs condamnations brident leur action. Karim Wade vit au Qatar et encourt une arrestation s’il rentre sans payer son amende.
«Diviser pour mieux régner »
Pendant ce temps, Ousmane Sonko, 48 ans, occupe largement le terrain avec un discours à la fois souverainiste, panafricaniste et social, hostile aux élites et à l’influence française. Lui-même est depuis 2021 sous le coup d’une inculpation pour viols présumés. Lui aussi dénonce un complot. Remettre en selle Khalifa Sall et Karim Wade permettrait à Macky Sall d’« en finir avec le face-à-face qu’Ousmane Sonko voudrait imposer », écrit Le Quotidien. « Aux côtés de Karim Wade et Khalifa, chacun maître d’un appareil politique bien rodé et disposant de bases politiques fidèles, Ousmane Sonko redevient un simple opposant parmi d’autres. »
Macky Sall, 60 ans, entretient le flou sur ses intentions en 2024 alors que les avis divergent sur sa légitimité à se représenter et que l’opposition promet une résistance farouche s’il franchit le pas. Dans un climat social déjà tendu, le non à un troisième mandat a été l’un des cris de ralliement des émeutes meurtrières qui ont secoué en 2021 un pays réputé comme un îlot de stabilité dans une région troublée. Les tensions affleurent toujours, les conditions sociales demeurent difficiles.
L’autorité de Macky Sall, par ailleurs président de l’Union africaine et interlocuteur écouté de la communauté internationale, est sortie érodée des élections locales et parlementaires de janvier et juillet. Les dissensions parcourent son camp au point qu’il paraît ne plus avoir la majorité parlementaire. Le quotidien L’Observateur évoque une possible volonté d’« apaisement » dans un acte de mansuétude envers les deux proscrits. Mais, dit-il aussi, « faire revenir toutes ces personnalités veut dire que Macky Sall est plus proche du oui que du non » à un troisième mandat.