Âgée de 47 ans, Liz Truss, l’ancienne ministre des Affaires étrangères, succède lundi 5 septembre à Boris Johnson, contraint de quitter le pouvoir à la suite d’une série de scandales. Va-t-il pour autant quitter l’arène politique ? Rien n’est moins sûr : il jouit d’une solide popularité au sein du parti conservateur, et il a entretenu le flou sur son avenir. Entretien de Daniel Vallot avec Georgina Wright, directrice du programme Europe à l’institut Montaigne
RFI : Boris Johnson peut-il espérer faire un « come-back » politique à l’image de l’homme qui lui a toujours servi de modèle, Winston Churchill ?
Georgina Wright : Pour l’instant en tout cas, Boris Johnson a l’intention de rester député, c’est-à-dire que, comme Theresa May, il va rester au sein de la Chambre des communes. Certains pensent qu’il va finir par quitter la Chambre et retourner à ses vieilles habitudes, qu’il va redevenir journaliste et commenter la politique plutôt qu’être en son cœur. Peut-il ambitionner de revenir à Downing Street ? S’il ne peut pas se représenter immédiatement au poste de Premier ministre, il le pourrait à l’avenir. Donc c’est un au revoir mais non pas un adieu. D’autant qu’aux yeux de nombre de ses partisans, il a un bilan contesté mais pas totalement négatif. Dans les points positifs, on peut penser peut-être à la politique étrangère, avec le soutien à l’Ukraine, ou le fait qu’il ait réussi à sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne. Les Britanniques reconnaissent également le succès de sa politique vaccinale contre le Covid-19. Enfin, sur le plan politique, il ne faut pas oublier qu’aux dernières élections, le parti conservateur a obtenu la plus grande majorité depuis les années 1980. De ce fait, il y en a beaucoup qui regrettent son départ.
Ce qui est étonnant c’est que malgré les mensonges, malgré les frasques et les scandales, Boris Johnson est resté populaire au sein du parti conservateur, en tout cas auprès d’une certaine frange du parti…
Quand on observe les sondages, on se rend compte qu’il y a encore beaucoup de gens qui considèrent qu’il a été un bon Premier ministre et qui estiment que la situation risque d’empirer avec Liz Truss. Donc, je pense que ça dépendra beaucoup d’elle et de ce qu’elle parviendra à accomplir, de ce qu’elle parviendra à mettre en œuvre d’ici aux prochaines élections législatives qui doivent avoir lieu dans deux ans.
L’autre scénario serait celui d’un Boris Johnson qui ne revient pas au pouvoir mais qui « pollue » le mandat de Liz Truss, un peu comme John Major dans les années 90, qui avait souffert de l’ombre portée de Margaret Thatcher.
C’est tout à fait possible et ça dépend vraiment de ce qu’il décide de faire. S’il décide de rester député, il pourrait en effet « polluer » ou en tout cas alimenter le débat public au sein de la Chambre des Communes. Mais il pourrait tout à fait décider de quitter la scène politique pour l’instant et de retourner plutôt au journalisme, d’écrire des tribunes dans les journaux et de se consacrer à une analyse tout à fait extérieure au parti conservateur. Il est trop tôt pour savoir ce qu’il fera, mais c’est clair qu’il restera une voix et qu’il aura un poids important au sein du Royaume-Uni.
Il laisse à Liz Truss un Royaume-Uni dans une situation difficile sur le plan économique avec la flambée des prix de l’énergie, l’inflation et les grèves à répétition. Face à cette situation difficile, que peut faire la nouvelle Première ministre ?
Pour l’heure, on ne sait pas précisément quelles sont ses intentions. Elle a promis de répondre à la crise énergétique, mais on ne sait pas très bien comment. En tout cas, ce qui est clair, c’est qu’elle est opposée au bouclier tarifaire comme l’a fait par exemple la France en limitant la hausse des factures d’énergie à 4 %. Au Royaume-Uni, on parle de doubler, de tripler les factures ! Donc, il faudra y répondre. Elle a parlé de soutien aux ménages qui en ont le plus besoin, mais au-delà de ça, en réalité, on ne sait pas très bien ce qu’elle va proposer. Tout dépendra aussi de son cabinet parce qu’elle est Première ministre certes, mais elle ne prend pas seule les décisions. En tout cas, répondre à la crise énergétique sera sa priorité numéro un. À terme, son objectif sera de faire grandir et de faire évoluer l’économie britannique.
Il y aura aussi sans doute la volonté de se démarquer du style Boris Johnson, d’éviter notamment les frasques et les scandales.
Je pense qu’une certaine discipline au sein du parti, ou en tout cas au sein du gouvernement, sera nécessaire. Cela dit, je pense qu’elle-même n’a pas peur de prendre des risques, même quand des décisions ne vont pas plaire à tout le monde. En outre, c’est quelqu’un qui communique de façon assez directe ! Il y a quatre ans, elle a enregistré un podcast dans lequel elle reconnaissait ne pas avoir le temps de lire les journaux et préférer s’informer par les réseaux sociaux. Elle affirme qu’elle aime communiquer directement avec les gens, donc je pense qu’on la verra prendre beaucoup plus la parole. C’est une optimiste sans faille. Elle est extrêmement patriotique. Mais elle a des décisions très difficiles à prendre, dans un contexte très difficile, et il faudra vraiment voir comment elle va répondre à ces défis au cours des prochains mois.