Le Conseil d’État demande au gouvernement de mettre le Code du travail en conformité avec le droit européen. Le gouvernement prépare un amendement pour en limiter l’impact.
En France, le Code du travail ne prévoit toujours pas l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt pour maladie d’origine non professionnelle. Mais cela devrait bientôt changer. Dans un avis rendu ce mercredi, le Conseil d’État a appelé le gouvernement à respecter cette règle européenne vieille de plus de quinze ans, qui prévoit le contraire : « Les salariés doivent acquérir des congés en arrêt maladie, quelle que soit l’origine de la maladie (professionnelle ou non) », écrit-il dans son avis.
La plus haute juridiction administrative s’est appuyée sur l’arrêt rendu en septembre 2023 par la Cour de cassation, qui exigeait que le gouvernement révise le droit du travail pour se mettre en conformité. Le Conseil constitutionnel avait pourtant tranché dans le sens contraire en février dernier, estimant que le Code du travail actuel était conforme aux principes de la Constitution. Pour prendre sa décision, le gouvernement a donc décidé de saisir le Conseil d’État pour tenter de sortir de ce casse-tête d’interprétations contraires.
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Concrètement, ce droit aux congés payés devra se limiter à quatre semaines sur une année, estiment les sages de la place du Palais Royal, alors que la durée minimale en France est de cinq semaines par an. L’argument mis en avant : « le législateur n’est pas tenu (…) de conférer aux périodes d’absence pour maladie le même effet d’acquisition de droits à congés que les périodes de travail effectif », plaide le Conseil d’État.
Autre précision de taille, la rétroactivité des indemnités dues aux salariés qui ont été malades et ont perdu pour cela des congés depuis le 1er décembre 2009, se limitera à trois années maximum. « L’action en paiement peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail a été rompu », précise l’avis. Traduction : tous les arrêts maladie antérieurs à 2020 n’ouvriront à aucun recours possible. De plus, il ne sera pas possible de réclamer à l’employeur plus de 12 semaines de congés payés, au total.
Et pour le futur ? Un salarié qui sera en arrêt maladie (une fois que le Code du travail sera modifié) « pourra cumuler des congés payés sur une période de 15 mois maximum » décrypte une source proche du dossier. En clair, il ne pourra pas bénéficier de plus de cinq semaines au total, même s’il est en arrêt maladie pendant deux ans.
Un amendement dans un prochain projet de loi
De quoi rassurer les organisations patronales très remontées ces derniers mois. Et particulièrement alarmistes à l’idée que les entreprises pourraient avoir à verser des sommes « astronomiques » à titre rétroactif, avec un retour en arrière pouvant théoriquement aller jusqu’à 15 ans. Elles n’ont d’ailleurs pas ménagé leur peine pour « sensibiliser » le gouvernement alors que les syndicats ferraillaient pour faire appliquer le droit européen, en multipliant les recours devant les tribunaux. « Notre travail, mené de concert avec le gouvernement a porté ses fruits », s’est félicité dans un message sur le réseau social X le président du Medef Patrick Martin. Pour son homologue de la CPME François Asselin, qui a été à la tête de la fronde, « une absurdité vient enfin d’être corrigée ».
La ministre du Travail, Catherine Vautrin, doit maintenant rédiger un amendement afin de modifier le Code du travail. Il sera déposé ce vendredi dans le cadre d’un projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne qui doit être examiné à l’Assemblée à partir de lundi. Une réunion de ses services était d’ailleurs prévue ce jeudi soir avec les organisations patronales. Tout en voulant transposer la directive européenne, le gouvernement avait plaidé ces dernières semaines pour limiter l’acquisition de congés payés en cas de maladie non professionnelle à quatre semaines. Le patronat a été entendu. Cela sonne-t-il la fin du feuilleton ? Pas sûr, car les syndicats ont déjà promis de mener une guérilla juridique devant tribunaux qui pourront interpréter à leur sauce la directive européenne.