Les moyens mis à la disposition de François Hollande et Nicolas Sarkozy ont été divisés par deux. Une tendance qui touche d’autres personnalités politiques.
Philæ peut continuer à s’ébrouer dans les fauteuils en cuir noir qui meublent l’immense bureau de son maître, François Hollande. Le labrador noir a bénéficié des largesses de l’ex-chef de l’État. Le chien et son maître auraient dû, en effet, quitter ce bel endroit avec vue sur le jardin du Palais-Royal parce que le loyer n’est plus payé intégralement par la République. Mais François Hollande en a décidé autrement. Depuis octobre, il règle sur ses deniers personnels la part que l’État ne prend plus en charge, soit en gros la moitié de la facture.
Le « président normal » a décidé, alors qu’il était encore à l’Élysée, qu’il serait un ex-président normal. Il a donc fait adopter une règle qui réduit de moitié les moyens mis à la disposition des anciens chefs de l’État cinq ans après la fin de leur mandat. S’ils conservent une voiture de fonction, difficilement divisible, ils n’ont plus que quatre personnes pour les épauler, contre huit jusqu’alors.
Des arrangements
François Hollande collabore ainsi avec un directeur de cabinet, une cheffe de cabinet, une attachée de presse et un cuisinier. L’ex-chef de l’État bénéficie aussi, comme toute personnalité considérée comme sensible, d’un service de protection 24 heures sur 24. La division par deux des effectifs s’accompagne, évidemment, d’une réduction équivalente de la surface des bureaux offerts par la République. François Hollande en a donc décidé autrement. Plutôt que d’emménager dans des locaux plus réduits, il trouve un arrangement avec la République : il reste rue de Rivoli en réglant la quote-part que l’État ne prend plus en charge.
Nicolas Sarkozy a fait le même choix. L’ex-chef de l’État a quitté l’Élysée il y a dix ans ; la règle de réduction des moyens s’impose donc, mais avec un décalage dans le temps : il l’applique depuis octobre 2021, cinq ans après l’entrée en vigueur du texte. À cette date, les effectifs qui épaulent Nicolas Sarkozy ont été réduits à quatre personnes, plus Michel Gaudin qui assure la fonction de directeur de cabinet de manière bénévole (préfet, il est à la retraite). Afin de rester dans les bureaux de la rue de Miromesnil, quelque 300 mètres carrés devenus une adresse courue des personnalités politiques de droite, Nicolas Sarkozy règle lui-même la moitié du loyer.
Sobriété pour tout le monde
La générosité de la République s’est aussi amoindrie pour d’autres personnalités. C’est le cas des ex-Premiers ministres. En septembre 2019, un décret pris par Édouard Philippe, alors locataire de Matignon, met un peu d’ordre dans une pratique édictée sous Lionel Jospin, une vingtaine d’années plus tôt. Le texte limite désormais la prise en charge des anciens Premiers ministres à dix ans après la fin de leurs fonctions, et au plus tard à 67 ans. Le texte n’étant pas rétroactif, l’État n’a pas, par principe, coupé les vivres à Laurent Fabius (à Matignon jusqu’en 1986), Édith Cresson (1991-1992) ou même à Alain Juppé (1995-1997). Selon l’article 3 du décret de 2019, les ex-Premiers ministres, au moment de sa publication, bénéficient des moyens pendant dix ans, c’est-à-dire jusqu’en 2029.
La première des aides est un secrétariat, sauf si le récipiendaire occupe, comme Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel, une fonction publique, ou un mandat parlementaire. Sous les mêmes conditions, tous les prédécesseurs d’Élisabeth Borne disposent d’un véhicule de fonction avec un garde du corps dont les dépenses sont prises en charge par l’État. Jean Castex, nommé il y a quelques semaines patron de la RATP, une entreprise publique, n’en bénéficie donc pas : il voyage en métro.
Une autre catégorie de personnalités dispose d’un service de protection. Il s’agit des anciens ministres de l’Intérieur, considérés comme des personnalités sensibles, à l’instar de certains magistrats ou personnalités politiques (Ségolène Royal avait eu droit à un garde du corps, avec voiture, plusieurs mois après la présidentielle de 2007). Mais tous les anciens locataires de la Place Beauvau — et ils sont nombreux, certains n’étant restés en place que quelques mois — ne bénéficient pas d’un service de protection. « Il n’y a pas de texte réglementant cette disposition, explique René Dosière, ancien député PS et président de l’Observatoire de l’éthique publique. Il s’agit plutôt d’une coutume. » Certains anciens occupants de Beauvau, comme Bernard Cazeneuve (qui fut aussi à Matignon), préfèrent ainsi s’en passer. D’ailleurs, qui irait encore chercher des noises à Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur au siècle dernier, jusqu’en 1991 ?