Prison de la Santé : sept ans de prison pour l’officier reconnu coupable de viols sur un détenu

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Paris (XIVe), jeudi 16 juillet 2020. Maison d'arrêt de la Santé (Paris, XIVe). Interview et portrait de Christian (veut rester anonyme), surveillant pénitentiaire qui explique ses missions, son quotidien, et les raisons pour lesquelles il a choisi ce métier.

Le gradé de la pénitentiaire, ancien capitaine à la prison de la Santé en 2022, a toujours nié. Ses avocats indiquent qu’ils font appel.

La condamnation est tombée comme un couperet. Sept ans de prison, suivi sociojudiciaire de cinq ans, injonction de soins, interdiction définitive d’exercer une fonction publique, inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles (Fijaisv). Debout à la barre, en doudoune noire, le surveillant pénitentiaire de 54 ans se fige en entendant le verdict de la cour criminelle de Paris, ce vendredi soir. « Vous comprenez ? » lui demande le président. L’accusé, suspendu depuis l’affaire, et qui a déjà effectué neuf mois en détention provisoire, laisse échapper un « oui », mais signifie dans la foulée qu’il ne l’accepte pas. Depuis toujours, il nie avoir violé, agressé, voire envisagé la moindre relation sexuelle avec un ancien détenu de la prison de la Santé, entre mai et août 2022. « Ça n’a jamais existé » avait-il répété jeudi.

Ce prisonnier, âgé de 27 ans à l’époque, qui purge une peine de quelques mois loin de Paris, et qui a simplement été entendu en visioconférence à l’audience, a accusé le gradé de lui avoir fait subir des fellations, dans son bureau, porte fermée, au QB2.


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Ses déclarations ont toujours été constantes, retient la cour, de la part d’un homme certes « à la dérive », des mots de son propre avocat, toxicomane et opportuniste, mais qui « n’attend rien du procès ». La configuration des lieux, le bureau où il était convoqué, sans vitre, les agressions furtives, une ou deux minutes au plus entre l’armoire et l’imprimante… « On n’invente pas tous ces détails », a argué l’avocat général, qui avait réclamé une peine plus lourde, 10 ans de prison. Lui a évoqué un « double huis clos », de la prison et du bureau du capitaine, alors chef de bâtiment, sur un détenu qui loin d’être un « caïd » était une « proie facile ».

« Il a pris un risque indéniable pour sa vie en détention »

« Il a attendu le départ du [capitaine] pour révéler les faits, avec un certain malaise », note le président. Trois ans plus tard, le détenu, toujours réincarcéré, redoute que des codétenus apprennent qu’il a eu des relations homosexuelles avec un personnel, quand bien même il s’agirait de viol, craignant pour sa propre sécurité. « Il a pris un risque indéniable pour sa vie en détention », estime la cour.

Dans cette affaire, ce n’était pas que parole contre parole. Les accusations du prisonnier ont trouvé un écho dans le passé de l’accusé, ces attouchements et harcèlement dénoncés par de jeunes collègues de la pénitentiaire, à Poissy et Bois-d’Arcy, en 2007 et 2013. À deux reprises, le gradé avait été mis à pied provisoirement, mais aucune plainte pénale déposée. Fait troublant, ceux qui ont rapporté ces faits étaient tous des hommes, jeunes et dans une certaine précarité. L’avocat général a évoqué un « mode opératoire ».


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Quant à la thèse d’une vengeance ourdie pour décrocher un aménagement de peine, ou se venger de la confiscation de son téléphone en cellule, elle n’a pas phosphoré dans la salle des délibérés des cinq magistrats. « On n’est pas dans le procès Sarkozy, où on envisage 6 ou 7 ans à l’avance ce qu’il va se passer ! Oui il est prêt à mentir pour sauver sa vie mais ce n’est pas un joueur d’échecs qui aurait fomenté une stratégie dans le chaos de sa détention » a plaidé Me Jean-Christophe Tymoczko, avocat du détenu plaignant, qui ne « pouvait pas savoir que le surveillant était homosexuel ».

Atteinte grave à l’image de l’administration et de la justice

Cette attirance pour les hommes, mal vue dans sa culture antillaise, pas bienvenue dans sa religion, le père de famille, en instance de divorce, a fini par l’admettre au fil de la procédure et à l’audience publique. Comme un long processus. « Quand on ne peut pas assumer qui on est, on trouve d’autres recours, a éclairé la psychologue qui l’a expertisé. Peut-être que le milieu le plus sécuritaire pour assumer qui il était, c’était la prison, très clos, très sécurisé. En milieu ouvert, dans un bar gay, par exemple, il faut assumer pleinement, ouvertement qui on est ». La promiscuité carcérale, a pu, dit-elle, produire un « effet amplificateur ».

Dans sa motivation de 4 pages, la cour souligne la « gravité » des faits et « l’atteinte portée à l’image de l’administration pénitentiaire et la justice ».

En défense, Me Léa Dordilly et Simon Clémenceau avaient dénoncé des faits « ni précis, ni circonstanciés, ni corroborés », de « simples hypothèses », et plaidé l’acquittement. Un nouveau procès s’annonce déjà puisque la défense annonce faire appel. « On ne peut se satisfaire d’une motivation qui consiste à dire, à l’issue des débats, que l’hypothèse de la culpabilité n’a pas pu être exclue » réagissent les conseils de l’accusé qui est reparti libre pour le moment, la cour ayant prononcé un mandat de dépôt différé à un mois.

L’avocat de la victime, toujours en détention, doit lui envoyer un courrier pour l’informer du verdict, a appris Le Parisien ce vendredi soir.

leParisien

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