Quelque 7,3 millions d’électeurs étaient appelés à choisir entre 17 concurrents dans un scrutin très indécis et marqué par trois années d’agitation et de crise politique dans le pays.
Un séisme politique semble se dessiner au Sénégal. Alors que le pays compte les voix de la présidentielle à l’issue du premier tour d’une élection censée trancher entre la continuité et un changement peut-être radical après trois années d’agitation et de crise politique, cinq candidats ont d’ores et déjà félicité dimanche soir dans la nuit l’antisystème Diomaye Faye pour sa victoire, avant même une proclamation officielle.
Vers 21 heures, trois heures après la fin du vote, les résultats publiés bureau par bureau dans les médias et sur les réseaux sociaux donnaient en effet largement l’avantage au candidat Bassirou Diomaye Faye, soutenu par Ousmane Sonko, devant celui du pouvoir, Amadou Ba, très loin devant les 15 autres concurrents.
Les radios et les télévisions ont lu toute la soirée les résultats complets de chacun des 16 000 bureaux de vote du pays et de l’étranger sans les agglomérer. Et Diomaye Faye semblait prendre le large à peu près partout, même si les résultats officiels n’ont pas été proclamés. Pour rappel, il faut la majorité absolue des suffrages exprimés pour l’emporter au premier tour et aucune date n’a été fixée pour un second tour.
Une foule joyeuse a scandé « Au Palais »
Des centaines de sympathisants de Bassirou Diomaye Faye chantaient et dansaient déjà dimanche soir au son du tam-tam au siège de sa campagne à Dakar. Des cortèges de jeunes à moto parcouraient klaxon hurlant les rues de la capitale en scandant « au Palais » présidentiel. L’atmosphère était plus sombre du côté des quelques dizaines de sympathisants d’Amadou Ba au quartier général de celui-ci. Les journalistes ont attendu en vain une déclaration de sa part à son quartier général, avant que son équipe n’annonce dans la nuit qu’il s’exprimerait dans la journée de lundi.
Une victoire de Bassirou Diomaye Faye le jour de son anniversaire (il a 44 ans depuis ce lundi), « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche », et bras droit de l’opposant Ousmane Sonko, pourrait annoncer une véritable remise en cause systémique. Bénéficiant d’une loi d’amnistie, Faye est sorti de onze mois d’emprisonnement – pour diffamation et outrage – dix jours avant l’élection, en même temps que son mentor. Amadou Ba, 62 ans, prolongerait, lui, l’action du sortant Macky Sall, dont il était le Premier ministre il y a encore quelques semaines et qui l’a désigné pour lui succéder.
Tous deux s’étaient déclarés « confiants » en une victoire dès le premier tour. Le président sortant Macky Sall, qui a voté avec son épouse à Fatick (Centre-Ouest), a mis en garde contre les revendications de victoire prématurées. Ce qui est certain, c’est qu’Amadou Ba a été battu dans son propre bureau de vote par Diomaye Faye, ce qui ne présage rien de bon pour lui.
Aucun incident notable
Quelque 7,3 millions d’électeurs étaient appelés à choisir entre 17 concurrents, dont une femme. Ils ont fait la queue par dizaines ou par centaines pendant la journée devant différents bureaux, sans qu’aucune appréciation exacte de la participation (66 % en 2019) ne soit fournie. C’est la première fois de l’histoire du pays que le président sortant ne figure pas parmi les candidats.
Aucun incident notable n’a été rapporté et plusieurs électeurs ont exprimé leur satisfaction de voter, après les troubles provoqués par le report de l’élection.
Des semaines de confusion
Les Sénégalais devaient initialement voter le 25 février, comme il était toujours inscrit sur les urnes et les bulletins ce dimanche. Mais au début du mois, le président sortant, Macky Sall, qui ne se représentait pas pour un troisième mandat, avait surpris le pays en annonçant un report du vote.
Une décision qui avait déclenché une grave crise politique dans le pays, qui connaissait déjà des épisodes de troubles depuis 2021 et le bras de fer entre Ousmane Sonko et le pouvoir. Quatre personnes étaient mortes en marge de manifestations.
Plusieurs semaines de confusion ont mis à l’épreuve la pratique démocratique du Sénégal, jusqu’à ce que soit arrêtée la date du 24 mars. La campagne a été réduite à deux semaines, tombant en plein mois de jeûne musulman.
Le scrutin est suivi avec attention, le Sénégal étant considéré comme l’un des pays les plus stables d’une Afrique de l’Ouest secouée par les putschs. Dakar maintient des relations fortes avec l’Occident, tandis que la Russie renforce ses positions alentour.