Paris 2024 – Cyclisme : « C’est bon enfant, tout le monde profite »… On vous raconte le gigantesque dawa rue Lepic.

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Ambiance• La célèbre rue du quartier Montmartre s’est transformée en virage de grand col du Tour de France, ce samedi à l’occasion de la course en ligne.

A l’Alpe d’Huez de Paris,

On ne reconnaît plus Paris, et franchement, ça nous va très bien comme ça. Ce samedi, dans le quartier de Montmartre (18e arr.), un public inhabituel s’est donné rendez-vous sans même le savoir : celui des amateurs de cyclisme. Le passage des coureurs n’est pas prévu avant 16 heures, mais dès 11 heures, ça commence déjà à se masser rue Lepic, la plus connue du coin puisqu’elle relie le Moulin Rouge à la Place du Tertre, deux hauts lieux touristiques.

Surtout, elle est très pentue (8 % au max), et recouverte de pavés. Voir passer la dernière étape du Tour de France par ici est un vieux fantasme des fans de vélo, mais ça ne s’est jamais fait. Alors le passage de la course en ligne des Jeux olympiques est une bénédiction. Le Collectif Ultras Pinot, qui s’est monté à l’origine en hommage au petit prince de Mélisey et qui lui avait offert un moment d’anthologie lors de son dernier Tour l’année passée, est là. Malgré la retraite de l’idole, il continue à organiser quelques événements sur les courses, et il ne pouvait pas manquer ça.

Les cyclistes du dimanche applaudis comme des champions

Mathieu, l’un de ses membres actifs, est aux premières loges. Il plante le décor : « On était obligés de venir là, dit-il. C’est un passage emblématique, le seul endroit où les coureurs passent trois fois, et c’est LA bosse du circuit final. C’est the place to be, et je crois qu’on n’est pas les seuls à avoir eu cette idée. »

En effet, les trottoirs sont noirs de monde depuis le bas jusqu’en haut de cette rue de 750 mètres de long. Dans la matinée, de nombreux cyclistes sont montés, dans une ambiance de corrida. On tombe sur Mathieu, qui s’est offert ce petit plaisir. « Là-haut, c’est vraiment dingue ! Et ça met un peu de pression, raconte-t-il en souriant. Mais c’est ouf, c’est une fois dans une vie quand on fait du vélo comme moi, en amateur. C’était un kiff. »

Depuis quelques mois, le jeune homme de 21 ans est un vrai geek de Strava, cette appli qui permet de comparer ses temps sur certains segments avec les autres utilisateurs. « Sur tous ceux qui sont montés ce matin, j’ai le deuxième temps », dit-il fièrement en nous montrant son téléphone. Il a atteint le sommet en 2’08, à une seconde de son record perso. Ces six derniers mois, il a « dû faire 60 fois la montée » pour s’améliorer et s’approcher du record all-time, qui est de 1’55. « Mais bon, tous les records vont tomber avec les pros », prévoit-il.

Les Belges et les Néerlandais en force, aussi

Vers midi, ça commence à se chauffer gentiment derrière les barrières, mais c’est surtout l’heure du ravito. Certains sont organisés, ils ont même amené la table de pique-nique. Ce sont des Belges, évidemment. Les maillots néerlandais sont en nombre également, et on distingue çà et là des Australiens et des Espagnols. En un mot, c’est l’Alpe d’Huez en plein PanamEn début d’après-midi, l’atmosphère s’embrase franchement. Ça boit des coups, ça rigole, ça chante. La Marseillaise, « Que je t’aime », « Les yeux d’Emilie », tous les classiques y passent. Sans oublier, bien sûr, le désormais fameux « shalalalala, Thibaut Pinot », sorte de cri de ralliement de cette nouvelle génération d’ultras du vélo. Juste après, un homme habitant au deuxième étage ouvre sa fenêtre et installe une sono d’où il lance « Les Lacs du Connemara » et « I will survive ». Suffisant pour devenir le héros de tout un peuple, qui l’acclame longuement.

En bas, un groupe de Belges n’en perd pas une miette. « On savait qu’il y aurait une belle ambiance ici, et on n’est pas déçus », nous dit Jean-Luc. Avec des amis, ils ont organisé un voyage depuis la région de Francorchamps, dans les Ardennes. Ils sont 73 au total, répartis tout le long de la rue. « On avait ciblé cet endroit pour le dénivelé et les pavés. Ça nous rappelle un peu le Tour des Flandres, on a l’impression d’être chez nous à Paris, sauf qu’on n’a pas la pluie », se marre-t-il.

Jean-Luc pronostique un doublé belge, avec Wout van Aert et Remco Evenepoel. C’est de bonne guerre. « Mais on aime bien Julian quand même hein, il court dans une équipe belge. » A quelques mètres, Thomas et Dorian squattent un muret, un peu en hauteur. Fans « absolus » de vélo, ils sont restés à Paris exprès pour cette journée. D’autres potes ont même écourté leurs vacances pour les accompagner. Ce muret, c’est le leur. Ils étaient venus en repérage ces derniers jours pour être sûr de trouver le bon spot. « C’est parfait, c’est là qu’il y a les plus forts pourcentages, et on est dans le virage donc on les voit arriver de loin et on peut les suivre un bon moment après », explique Thomas.

Un peu plus haut, un gros groupe de supporteurs français s’est formé. « On est chaud, on est bien, se marrent Corentin, maillot de champion du monde de Julian Alaphilippe sur le dos, et son pote Charles. C’est hyper bon enfant, tout le monde est là, à profiter, on a lancé des chants hollandais pour leur faire plaisir, un gamin tout à l’heure était sur les épaules de son père, ça se voyait il était heureux comme tout. Ça va lui faire des souvenirs pour la vie peut-être. »

Après avoir fait chacun leur tour la montée en Vélib, pour se marrer, ils sont venus s’installer dès 10h30 pour que personne n’ait le temps de leur piquer. Depuis, ils profitent de l’ambiance. « Ça manque juste un peu de bières et de merguez pour vraiment se croire sur le Tour, mais franchement on y est presque », assure Corentin, un habitué de la Grande Boucle. On est d’accord, mais en même temps, ça n’aurait pas été très safe de mettre des barbec’ sur ces étroits trottoirs.

Il est 15h30 et c’est officiel, c’est une marée humaine dans la rue Lepic. Un peu moins d’une heure plus tard, les coureurs déboulent enfin. Ben Healy est en tête mais c’est derrière lui que ça se passe. Mathieu van der Poel profite des pourcentages pour mettre une mine de bûcheron. Wout van Aert est dans la roue, la course des favoris est lancée. Le vacarme est étourdissant, entre les Néerlandais et les Belges qui poussent les deux phénomènes et les Français qui s’enflamment pour Julian Alaphilippe, pas loin de faire la jonction.

A peine le temps que ça redescende, c’est parti pour le deuxième passage. Le scénario est idéal, Remco Evenepoel et Valentin Madouas se sont détachés quelques bornes plus tôt. Derrière, van der Poel fait encore le forcing, Alaph’dans la roue. On est en train de perdre un tympan. Vingt minutes plus tard, troisième et dernier passage. Evenepoel est beaucoup trop fort, il aborde seul la montée.

Les Belges sont en furie, mais les Français encore plus avec Madouas qui donne tout ce qu’il a dans le raidard pour défendre sa deuxième place. Il reste 10 km, et ça tiendra jusqu’au bout pour le champion de France 2023. Cerise sur le gâteau, on voit sur notre écran Christophe Laporte se détacher du groupe de chasse pour venir prendre la médaille de bronze. Doublé français sur le podium ! Le bar où l’on s’est réfugié pour écrire, à deux pas de la rue Lepic, s’est rempli d’un coup pour assister à l’orgie. Ces JO n’ont pas fini de nous surprendre.

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