Fin novembre le Tchad, qui constituait jusqu’ici le dernier point d’ancrage de Paris au Sahel, a mis fin aux accords de défense et de sécurité qui le liaient avec l’ancienne puissance coloniale. Emmanuel Macron a mis en avant ce lundi le rôle de la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
La réponse ne s’est pas fait attendre. Le ministre tchadien des Affaires étrangères a déploré lundi « l’attitude méprisante » du président Macron qui a estimé que des dirigeants africains avaient « oublié de dire merci » à la France pour son intervention dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
« Le Gouvernement de la République du Tchad exprime sa vive préoccupation suite aux propos tenus récemment par le Président de la République française, Emmanuel Macron, qui reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains » a déclaré Abderaman Koulamallah dans un communiqué lu à la télévision d’État.
Le chef de la diplomatie tchadienne a rappelé « qu’il n’a aucun problème avec la France » mais que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain ». Abderaman Koulamallah a souligné le « rôle déterminant » de l’Afrique et du Tchad dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales » que « la France n’a jamais véritablement reconnu » ainsi que « les sacrifices consentis par les soldats africains ».
« En 60 ans de présence (…) la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien » a-t-il poursuivi.
Quelques heures plus tard, c’est le Sénégal qui a déploré la déclaration d’Emmanuel Macron, dénonçant le propos « totalement erroné » du président français. Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a en effet contesté que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait donné lieu à des négociations entre Paris et Dakar et s’est inscrit en faux avec virulence contre des propos du président Emmanuel Macron sur l’engagement militaire français en Afrique.
La France « lucide » en Afrique, selon Macron
Plus tôt dans la journée, Emmanuel Macron avait assuré que la France avait eu « raison » d’intervenir militairement au Sahel « contre le terrorisme depuis 2013 », mais les dirigeants africains ont « oublié de nous dire merci », estimant qu’ « aucun d’entre eux » ne gérerait un pays souverain sans cette intervention.
« C’est pas grave, ça viendra avec le temps », a ironisé le président français lors de la réunion annuelle des ambassadeurs de France. « Non, la France n’est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide, elle se réorganise », a-t-il par ailleurs plaidé. « On a choisi de bouger en Afrique (…) parce qu’il fallait bouger ».
La France s’est engagée militairement au Sahel pendant une décennie pour lutter contre les djihadistes liés à Al-Qaïda ou au groupe État islamique (opérations Serval puis Barkhane). Mais elle a été contrainte d’évacuer ses troupes du Mali, du Burkina Faso et du Niger entre 2022 et 2023, après l’arrivée au pouvoir dans ces trois pays de juntes militaires qui se sont rapprochées de la Russie.
Départs du Tchad et du Sénégal
« On est partis parce qu’il y a eu des coups d’État, parce qu’on était là à la demande d’États souverains qui avaient demandé à la France de venir », a rappelé Emmanuel Macron. « La France n’y avait plus sa place parce que nous ne sommes pas les supplétifs de putschistes » et que « le dialogue avec l’Afrique ne peut pas être l’otage d’un panafricanisme de bon aloi, contemporain, qui utilise en quelque sorte un discours postcolonial ».
Fin novembre le Tchad, qui constituait jusqu’ici le dernier point d’ancrage de Paris au Sahel, a mis fin aux accords de défense et de sécurité qui le liaient avec l’ancienne puissance coloniale. Environ un millier de soldats et personnels militaires français y étaient stationnés – dont une majorité sur le camp Kossei dans la capitale tchadienne N’Djamena – avant le début des opérations de retrait entreprises début décembre et qui, selon le souhait des autorités tchadiennes, doivent se conclure le 31 janvier.
« Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome » a revendiqué Koulamallah. « Nous invitons nos partenaires, y compris la France, à intégrer cette aspiration légitime dans leur approche des relations avec l’Afrique », a-t-il conclu. Selon le président Mahamat Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 2021, ces accords étaient « complètement obsolètes », face « aux réalités politiques et géostratégiques de notre temps ».
Le mois dernier, à quelques heures d’intervalle, le Sénégal et le Tchad ont à leur tour annoncé le départ des militaires français de leur sol et officialisé une « réorganisation ». En janvier, la Côte d’Ivoire a également annoncé que la base militaire française de Port-Bouet près d’Abidjan serait rétrocédée au pays.