Les créations d’emploi sont insuffisantes pour compenser l’augmentation de la population active, signale l’institut dans une note de conjecture, si bien que le chômage devrait grimper de 0,2 % d’ici à la mi-2025. La croissance du PIB ne devrait quant à elle pas dépasser 0,2 % sur les six mois à venir, sur fond d’instabilité politique.Par Le Parisien avec AFP
Avec un chômage à la hausse et une croissance en berne, le tableau dressé est loin d’être idéal. Le taux de personnes sans emploi en France devrait remonter de 7,4 % actuellement à 7,6 % de la population active d’ici à la mi-2025, a rapporté mardi l’Institut national de la Statistique dans sa note conjoncture. Quant à la croissance du PIB français, elle ne devrait pas dépasser 0,2 % au premier et au deuxième trimestres 2025. « Les signaux qui se dégagent des enquêtes sur les ménages et les entreprises dessinent un paysage morose », a affirmé Dorian Roucher, le chef du département de la conjoncture.
Sur le volet du chômage, « au quatrième trimestre 2024 et au premier semestre 2025, principalement sous l’effet de la réforme des retraites, la population active continuerait d’augmenter », a indiqué l’Insee dans sa note conjoncture. L’Insee rappelle que le taux d’emploi (69,1 %) a continué de progresser, atteignant au troisième trimestre 2024 son plus haut niveau depuis que l’institut à commencer à le mesurer en 1975.
Pas assez d’emplois créés pour « absorber la hausse » des actifs
Mais cela n’empêche pas la dégradation de la conjoncture économique de pousser en même temps le chômage à la hausse. « D’ici mi-2025, le secteur privé commencerait à détruire des postes salariés, en particulier d’apprentis, et l’emploi devrait freiner nettement dans le secteur public », anticipe l’Insee. « Au total, l’économie française créerait 40 000 emplois en trois trimestres, essentiellement non-salariés. Ce rythme serait insuffisant pour absorber la hausse de la population active », poursuit l’institut.
Les créations d’emploi sont liées « à la dynamique des créations d’entreprises, essentiellement des micro-entreprises », a précisé lors d’une conférence de presse Dorian Roucher, ajoutant que ces créations d’emplois non-salariés étaient « une spécificité de l’économie française ». L’Insee précise que ses prévisions n’intègrent pas les effets « incertains » sur le taux de chômage de la réforme du RSA, dont la généralisation à partir du 1er janvier prochain entraînera l’inscription automatique de 1,2 million de bénéficiaires supplémentaires à France Travail.
Enfin l’Insee souligne que « la situation politique et ses conséquences budgétaires restent une source d’inconnues », à l’heure où l’Assemblée nationale a adopté une « loi spéciale » pour éviter le « shutdown » suite à l’échec du budget du précédent gouvernement.
L’institut a « fait l’hypothèse de la reconduction en 2025 des impôts selon les barèmes en vigueur côté recettes, et des services votés en 2024 côté dépenses », tandis que des amendements pour indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation ont été jugés irrecevables par la présidente du Palais-Bourbon, Yaël Braun-Pivet, dans le cadre de l’examen de ce budget d’urgence. Sa note de conjoncture ne prend donc pas en considération les effets sur l’emploi d’éventuelles restrictions budgétaires qui pourraient être prises.
Un coup de frein sur les dépenses publiques redouté
Quant à la croissance du PIB français, elle ne devrait pas dépasser 0,2 % au premier et au deuxième trimestre 2025, selon l’institut, qui continue de la prévoir nulle au quatrième trimestre de cette année, pour un total de 1,1 % en 2024. La note trimestrielle, intitulée « l’activité suspendue à un regain de confiance », entrevoit ainsi un « acquis de croissance », c’est-à-dire ce que serait la croissance annuelle si le PIB n’évoluait plus du tout en fin d’année, de 0,5 % fin juin.
Dorian Roucher a admis qu’arithmétiquement, il faudrait une croissance « tout à fait importante », « élevée pour l’économie française », de 0,8 % à chacun des deux derniers trimestres, pour parvenir à réaliser la prévision de croissance de 1,1 % à nouveau cette année, un chiffre avancé jusqu’à présent par l’exécutif. L’économiste a semblé douter d’une telle possibilité, à moins que « les aléas positifs se manifestent tout de suite, c’est-à-dire que la confiance revienne rapidement, que les ménages se mettent à consommer et que les facteurs qui plombent l’investissement se lèvent un peu ».
L’Insee pense plutôt pour l’instant que, d’ici à mi-2025, « les deux moteurs de 2024 s’éteindraient ». D’un côté, le commerce extérieur, vigoureux en 2024, « se normaliserait » à la baisse. Par ailleurs, la reconduction à l’identique du budget de l’année précédente se traduirait par un coup de frein sur les dépenses publiques. Le scénario de l’institut repose sur cette hypothèse, faute de mise en place pour l’instant d’un nouveau budget après la censure du gouvernement Barnier.
Après avoir augmenté de 2 % en 2024, ces dépenses publiques ne progresseraient ainsi que de 0,1 % à chacun des deux premiers trimestres 2025. La demande privée « prendrait alors faiblement le relais » : l’investissement « resterait bridé » par l’incertitude, et seul le consommateur porterait un peu la croissance, selon cette note. Les investissements devraient ainsi rester quasi stables en début d’année, tandis que la consommation des ménages, en hausse de 0,9 % en 2024, augmenterait encore de modestes 0,1 % puis 0,3 % début 2025.