Le judoka français de 35 ans est en lice pour remporter une troisième médaille d’or olympique, vendredi, à Paris.
Il est treize heures passées, ce 9 février 2020, quand la terre tremble à Paris. Teddy Riner, 154 victoires consécutives au compteur et 10 ans sans perdre un seul combat, est tombé. Un uchi-mata contré par le Japonais Kokoro Kageura au troisième tour du Grand Slam de Bercy a eu raison du Français. Sur sa chaise, à quelques mètres de là, son entraîneur historique Franck Chambily accuse le coup. « J’ai pris un K.O. »
Plus de quatre ans après, celui qui entraîne Riner depuis près de 20 ans semble encore vaciller quand il évoque cet épisode. « Ce n’était pas tant la défaite. Mais le voir à terre a été un choc. Même à l’entraînement, je ne l’ai jamais vu tomber. » A 35 ans, l’un des plus grands judokas de l’histoire est pourtant toujours là et ses pieds sont solidement ancrés dans le sol.
A Paris, dans son fief, il est licencié au PSG, Riner, qui a allumé la vasque olympique avec Marie-Jo Pérec, est en chasse d’un troisième titre individuel pour devenir le judoka le plus couronné de l’histoire olympique aux côtés du Japonais, Tadahiro Nomura. Et si le Français a dominé sa catégorie pendant une décennie, les quatre dernières années ont été plus tumultueuses.
Plus dure est la chute
Pour Teddy, il faut déjà apprendre à savoir perdre et le géant (2,04 m) de Pointe-à-Pitre ans est orgueilleux. « La prochaine fois que je prends Kageura à l’entraînement ou en compétition, je vais l’exécuter ! » assène avec un sourire un peu amer, le double champion olympique quelques minutes après avoir chuté pour la première fois en dix ans. « Trop lourd » selon les mots de Franck Chambily, son coach, le report des Jeux de Tokyo, en raison du Covid, à l’été 2021, doit laisser le temps nécessaire pour digérer et repartir au combat.
Le soir même de sa défaite, on travaillait dessus pour savoir comment améliorer les choses. Si on n’apprend pas à perdre, on a des athlètes qui peuvent avoir peur de perdre. Quand vous lâchez ça, vous pouvez commencer à apprendre à gagner.Meriem Salmi, psychologue de Teddy Riner
à franceinfo: sport
Du moins le croit-on dans le clan du Français. Une « blessure bête à Marrakech au genou« , selon Fabien Canu, responsable de la préparation des athlètes olympiques et paralympiques à Tokyo, et la machine s’enraye de nouveau. A 32 ans, le corps du Français ne suit plus et doit se stopper près de deux mois.
Sa préparation tronquée, le Français chute à nouveau, aux JO de Tokyo, en quarts cette fois face au Russe, Tamerlan Bashaev. Observateur attentif du combat, Canu n’est pas surpris. « C’est une erreur tactique contre lui parce que ça fait des mois et des mois qu’il n’avait pas eu d’adversaire de ce type dans les mains« . Le Français ira chercher la médaille de bronze face au Japonais, Hisayoshi Harasawa, mais la breloque a un goût amer pour un athlète qui ne vit que pour l’or.
Se renouveler pour mieux gagner
L’homme aux dix couronnes planétaires a désormais trois ans pour se préparer à ce qui représente son rêve ultime, être champion olympique à Paris. Alors, Riner décide de tout changer pour cette olympiade raccourcie. « On a voulu s’entraîner à l’étranger uniquement. On était tout le temps entre deux aéroports pour trouver la meilleure opposition et il a pris beaucoup de plaisir à le faire« , explique Chambily qui accompagne le triple médaillé d’or olympique avec un staff et une cellule resserrée. « Il aurait pu dire : j’ai tout gagné et tout lâcher, mais non. C’est très important de ne pas perdre cet aspect ludique qui est très difficile à préserver dans un monde d’expertise. C’est ce qu’il a réussi à faire », enchaîne Meriem Salmi, la psychologue du Français depuis plus de 20 ans.
« A chaque olympiade, on a changé l’univers de Teddy (Riner) pour qu’il puisse découvrir autre chose. Il a besoin de challenges, de découvrir des nouveautés pour avoir du plaisir et garder un côté ludique. »Franck Chambily, co-entraîneur de Teddy Riner
à franceinfo: sport
Si la cheville de Riner l’écarte des tatamis pendant quelques mois après les JO de Tokyo, le Français devenu globe-trotter réussit son premier pari : celui de revenir au premier plan international. Vainqueur du championnat du monde de Doha en 2023, il enchaîne aussi les victoires en Masters et en Grand Chelem.
Mais le désormais détenteur de 11 titres planétaires n’est pas satisfait. Alisher Yusupov l’a fait tomber deux fois déjà, sans pour autant l’emporter, et comme lui, les gauchers sont légion dans cette catégorie, véritable casse-tête pour le Tricolore. Tatsuru Saito, Guram Tushishvilli ou encore Lukas Krpalek, sont autant de menaces.
Alors Riner décide d’innover. Après une décennie passée sur la chaise du combattant âgé désormais de 35 ans, Franck Chambily prend du recul début février au profit de Christian Chaumont, l’ancien coach du Français quand il était au club de Levallois. » Le panel des adversaires de Teddy, 80% sont gauchers, du moins chez les plus forts et Christian sait comment s’entraîner pour mieux combattre ces types de judokas« , explique Chambily.
Pour décrocher l’or et inscrire son nom dans la légende, le Français doit faire face en outre à une densité de combattants inédite. « Avant, il y avait un champion du monde qui dominait, là ils sont tous champions du monde. Tout le monde peut remporter l’or« , prévient le coach de 53 ans. Mais le Français est « affûté comme rarement » selon Chambily et ça se voit. Le dernier porteur de la flamme olympique à Paris, au côté de Marie-José Pérec, est taillé à la serpe et l’impression dégagée est à l’opposée de celle de Tokyo, il y a trois ans.
Ambitieux, l’homme qui a tout gagné dans sa carrière garde cette cependant cette gourmandise presque enfantine qui le caractérise à l’idée de se frotter à ces adversaires. « Le secret de ma longévité, c’est l’envie. Et là je suis prêt et même excité à l’idée de commencer et d’entrer dans le vif du sujet« , explique-t-il l’air malicieux au Club France quelques jours avant de débuter, vendredi. Mais le Français ne perd pas de vue l’objectif principal. « Gagner l’or à la maison et me mettre en dessous de la Tour Eiffel avec cette médaille. »