Les échanges commerciaux entre la Chine et les États-Unis, qui pèsent plus de 500 milliards de dollars, vont connaître un sérieux frein provoqué par les hausses de douane réciproques. Les produits concernés sont nombreux et touchent des secteurs très divers.
Une guerre commerciale inédite. La Chine voit désormais ses produits surtaxés à hauteur de 145 % à l’entrée des États-Unis après la guerre tarifaire enclenchée par Donald Trump le 2 avril. En réplique, l’Empire du milieu a porté ses droits de douane supplémentaires sur les produits américains à 125 %.
Avec de tels niveaux de tarifs, « les produits américains exportés vers la Chine n’ont plus aucune possibilité d’être acceptés sur le marché », ont déclaré les autorités chinoises. Si Washington continue d’augmenter ses droits de douane, « la Chine l’ignorera », ont-elles menacé.
Les enjeux économiques sont gigantesques. La Chine est la troisième destination des États-Unis à l’export, avec 154 milliards de dollars de biens écoulés en 2023, derrière le Canada et le Mexique, selon l’Observatoire de la complexité économique (OEC). Dans le même temps, le deuxième pays le plus peuplé du monde a vendu pour 436 milliards de dollars de produits aux États-Unis.
Les conséquences pour les deux pays pourraient néanmoins diverger. « Si les États-Unis restent évidemment un marché très important » pour la Chine, côté importations, « un nombre plus restreint d’entreprises chinoises sont dépendantes de fournisseurs américains », explique à l’AFP Lynn Song, chef économiste d’ING pour la Chine. Voici les produits au cœur des échanges entre les deux puissances mondiales.
Les produits américains qui pourraient ne plus être exportés vers la Chine
Les équipements électroniques et électriques sont le premier poste d’exportations américaines vers la Chine avec 15 milliards de dollars en 2024, selon les données de Tradingeconomics.com. La Chine, longtemps friande des semi-conducteurs américains les plus avancés, avait déjà dû réduire ses approvisionnements, après des premières restrictions sous le gouvernement Biden. Le président entendait ainsi ralentir le développement de l’intelligence artificielle dans la première économie asiatique.
La domination chinoise reste très importante dans le domaine : elle contrôle 69 % de l’extraction des terres rares, transformées en métaux aux propriétés électromagnétiques utilisés notamment dans les smartphones ou les véhicules électriques. Le pays possède également 90 % des capacités mondiales de raffinage de ces terres rares.
Les États-Unis vendent du pétrole et autres hydrocarbures à la Chine pour 14,7 milliards de dollars en 2024, essentiellement sous forme brute mais aussi sous celle de produits raffinés. Des surtaxes seraient un coup dur porté à la Chine, qui est le premier pays importateur mondial de l’or noir. En 2024, l’équivalent de 313 millions de barils d’or noir et produits pétroliers américains a pris la direction de République populaire, selon l’Agence américaine d’information sur l’Énergie.
La Chine est également une grande consommatrice de céréales et fruits oléagineux américains (14 millions de dollars en 2024). Rien que pour le soja, le pays a commandé plus de 22 millions de tonnes de l’oléagineux en provenance des États-Unis.
Selon Scott Gerlt, chef économiste de l’Association américaine des producteurs de soja, ce seul pays a englouti 52 % des exportations américaines de glycine max, son nom scientifique. « Les fermiers américains vont souffrir », a anticipé la vice-présidente de l’Asia Society Policy Institute, Wendy Cutler, « car leurs produits agricoles vont devenir trop chers pour être compétitifs ». Le cours du soja américain a décroché vendredi après l’annonce de la riposte chinoise, abandonnant 3,41 % sur la séance.
Suivent ensuite des secteurs très divers tel que l’aérien, les réacteurs nucléaires, le matériel optique, les produits pharmaceutiques (entre 10 et 12 milliards de dollars par domaine) ou encore le cuivre. La Chine achète aussi à l’Amérique des produits agroalimentaires, tels que les fruits ou des produits de la mer, dans des proportions moins importantes (moins d’1 milliard de dollars par an).
Les produits chinois qui ne seront plus exportés vers les États-Unis
À première vue, la relation semble déséquilibrée. Les exportations de la Chine vers les États-Unis pèsent trois fois plus lourds (en milliards de dollars) que celle des États-Unis vers la Chine.
Pékin « exporte une série de biens pas disponibles sur le marché national américain, difficiles à trouver ailleurs, expliquait au Parisien, Benjamin Bürbaumer, économiste à Sciences-po Bordeaux et auteur de Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation. Alors qu’à l’inverse les États-Unis exportent des biens assez basiques comme le pétrole et l’huile, pour lesquels la Chine peut facilement trouver des fournisseurs alternatifs. »
Au premier rang des produits chinois vendus aux États-Unis, se trouvent les équipements électriques et électroniques, utilisés dans le domaine des télécommunications, la fabrication d’électroménagers, d’ordinateurs ou encore de smartphones. C’est colossal : ils pesaient 124 milliards de dollars en 2023, selon les données de Tradingeconomics.com. Les géants américains de l’électronique, comme Apple, dépendent donc directement de la puissance chinoise.
Ensuite, la Chine vend pour 89 milliards de dollars de machines très diverses utilisées dans la fabrication de nombreux appareils (nucléaire, chauffage-plomberie, climatiseurs, imprimantes, par exemple).
Les États-Unis achètent aussi à la Chine pour 30 milliards de dollars des meubles (fauteuils, matelas ou encore des meubles professionnels utilisés dans le domaine médical), des signes lumineux et des bâtiments préfabriqués.
La Chine, premier fabricant de jouetsau monde, exportait par ailleurs aux États-Unis en 2023 pour 30 milliards de dollars de jouets, de jeux et de matériel sportif.
La liste est longue et les domaines sont variés : on peut citer les vêtements, le plastique, les véhicules, les métaux (fer, acier, aluminium) ou encore les produits pharmaceutiques.
Quelles conséquences sur le marché européen ?
Alors où la Chine écoulera-t-elle ses biens jusqu’ici destinés au marché américain ? En Europe, la question monte. « Ce tournant pourrait engendrer de nouvelles routes commerciales et une chaîne d’approvisionnement plus complexe », a affirmé à l’AFP Daniela Sabin Hathorn, analyste chez Capital.com.
Emmanuel Macron a soulevé un danger pour l’industrie européenne, redoutant « des risques de potentiel déport de certains de ces produits et biens qui va impacter très clairement nos économies et l’équilibre de certaines filières et de nos marchés ».
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L’Europe pourrait faire face à une pression concurrentielle forte dans des secteurs notamment de « la sidérurgie européenne, déjà en difficulté » selon Anaïs Voy-Gillis, géographe et spécialiste des questions industrielles. L’experte cite aussi les panneaux solaires, dominés par la Chine mais aussi l’acier et l’aluminium. Le ministère français de l’Industrie, interrogé par l’AFP, avait estimé aussi que « la chimie de base » et « les pièces automobiles » seront touchées.