Quatre mois après les émeutes consécutives à la mort de Nahel à Nanterre, le Première ministre a annoncé des peines aggravées pour les parents de délinquants et de nouveaux pouvoirs pour la police municipale.
Ordre républicain et responsabilité parentale. Quatre mois après les émeutes urbaines qui ont embrasé certains quartiers de grandes villes dans tout le pays, à la fin du mois de juin, Élisabeth Borne a dévoilé ce jeudi les axes de la riposte gouvernementale.
En présence de nombreux maires réunis dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, la Première ministre a notamment annoncé des mesures concrètes, comme la hausse de l’amende encourue pour non-respect du couvre-feu, la mise en place de stages de responsabilité parentale ou encore la relance des Forces d’action républicaine. Objectif : « garantir la sécurité de nos concitoyens, mieux soutenir les familles et renforcer la cohésion nationale ».
Une enveloppe de 100 millions pour reconstruire
Nombreux étaient les maires à déplorer, à la suite des émeutes, l’ampleur des dégâts – et l’ampleur de leurs factures. En conséquence, l’État va débloquer 100 millions d’euros « pour la réparation et la reconstruction » en complément de l’indemnisation des assurances, a annoncé Élisabeth Borne. Selon France assurance, le coût total des reconstructions en France est de 200 millions d’euros.
Plus de fonctions pour les policiers municipaux
Du côté des forces de l’ordre, la Première ministre Élisabeth Borne souhaite rouvrir un chantier qui permettrait – à la demande des maires – d’autoriser les policiers municipaux à accomplir des actes de police judiciaire. Cela leur autoriserait par exemple l’accès à certains « fichiers » pour les « vérifier », a indiqué Matignon, qui précise qu’il ne s’agit pas d’octroyer aux policiers municipaux les mêmes prérogatives que celles de la police nationale.
Des magistrats, policiers et personnels sociaux déployés dans certains quartiers
Toujours pour renforcer le lien dans certains quartiers, la Première ministre a annoncé la relance des Forces d’action républicaine (FAR), une idée évoquée par Emmanuel Macron en 2022 qui n’avait jamais été concrétisée. Ces « FAR » seront destinées aux territoires exposés à l’insécurité pour « mener une action coup de poing de tous les services de l’État et rétablir l’ordre et apporter des réponses aux problèmes d’un territoire ».
Parmi les domaines concernés par cette « équipe pluridisciplinaire » : l’éducation nationale, la justice ou encore la santé. Par exemple, des médicobus, des soignants, des magistrats, des conseillers techniques à l’école pourraient être dépêchés. D’après Matignon, cela n’induira pas une création de postes puisque les « moyens existants » seront utilisés. « Il s’agit d’une nouvelle méthode d’action, une réponse forte, coordonnée et globale à des problèmes globaux pour que les choses changent, de manière visible et durable pour les habitants », résume-t-on.
Ces « FAR » seront mobilisées à la demande des maires, après une phase de diagnostic réalisé avec les moyens de l’État pour « identifier des mesures de court et de moyen termes ». Les FAR seront coordonnées localement par le maire de la commune en question, le préfet et le procureur de la République. « Les habitants seront constamment consultés et associés » pendant toute la durée du processus, détaille Matignon.
Des parents à « responsabiliser »
Le rôle des parents est essentiel dans la réponse aux émeutes, a tonné Élisabeth Borne, appelant à une réponse « collective ». Il faut « aider ceux qui en ont le plus besoin, mais aussi agir face à la démission de certains devant les dérives de leurs enfants », a-t-elle déclaré.
Pour cela, la Première ministre prévoit la création de « stages de responsabilité parentale », voire l’application de « peines d’intérêt général à l’encontre des parents » ayant « soustrait à leurs devoirs éducatifs ». Si leurs enfants sont responsables de dégradations, les parents devront aussi s’acquitter d’une « contribution financière citoyenne et familiale » auprès d’associations de victimes.
« Quand un mineur a causé des dégradations, on doit s’assurer que les deux parents soient responsables financièrement des dommages causés, qu’ils soient ensemble ou non, qu’ils vivent avec l’enfant ou non », a insisté la Premier ministre, visant donc, aussi, les parents ayant quitté leurs foyers.
Des amendes renforcées
Autre volet de la réponse gouvernementale aux émeutes : la réponse judiciaire. Déjà, l’amende encourue par les mineurs en cas de non-respect du couvre-feu va augmenter. De 150 euros maximum, celle-ci « sera multipliée par cinq », a annoncé Élisabeth Borne. Soit 750 euros maximum, le montant appliqué aux contraventions de catégorie 4.
Les jeunes délinquants plus encadrés
La Première ministre a annoncé songé à changer la loi, pour permettre le placement de « jeunes délinquants dans des unités éducatives de la protection judiciaire de la jeunesse ». Ces derniers peuvent aussi être encadrés par des « militaires », afin qu’ils leur transmettent « des valeurs de discipline et de dépassement de soi ». Ce dispositif, déjà expérimenté, « doit se déployer et s’étendre davantage sur le territoire », a insisté Élisabeth Borne.
Donner davantage de place à l’école
« Le temps de l’école est un temps précieux qui doit être utilisé pleinement jusqu’à la fin de l’année », a maintenu Élisabeth Borne. Dans le sillon des annonces du ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, la Première ministre a rappelé sa volonté de « reconquérir » le mois de juin, aussi bien pour les collégiens que pour les lycéens, pour éviter leur désœuvrement en fin d’année scolaire. Les écoles pourront aussi ouvrir « en août quelques jours à la rentrée », notamment pour les élèves en difficulté.
Toujours sur le plan scolaire, les heures d’enseignement moral et civique au collège seront doublées. Enfin, afin de « donner un autre cadre pour les jeunes et accompagner les familles, comme les mères seules ayant des difficultés pour les enfants », l’internat est proposé comme une solution. Dans ce cas, les élèves boursiers concernés verront leurs frais d’hébergement pris en charge par l’État.
Lutte contre les stupéfiants
A l’occasion de ce discours, la cheffe du gouvernement a également annoncé « un nouveau plan national de lutte contre les stupéfiants », « matrice de toutes les délinquances » et « cause de nombreuses violences », afin notamment d’« améliorer le recouvrement » des amendes forfaitaires pour les consommateurs.
Les agitateurs des réseaux sociaux bannis
Les auteurs d’appels à la violence et/ou aux émeutes en ligne seront aussi visés, a averti Élisabeth Borne. Avec le règlement du Digital Services Act, « nous avons des outils puissants pour retirer les contenus violents », assure Élisabeth Borne.
Les comptes des internautes qui « diffusent » et « incitent à la violence » seront davantage sanctionnés dans le prochain texte de loi sur la sécurisation de l’espace numérique, en cours de discussion au Parlement. Ils risquent, selon Élisabeth Borne, « un bannissement numérique qui suspendra un compte pendant 6 mois ».