Des documents internes révèlent des arrangements entre Emmanuel Macron et Uber

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France's President Emmanuel Macron gets out of his car as he arrives ahead of a European Council meeting on Brexit at The Europa Building at The European Parliament in Brussels on April 10, 2019. (Photo by Alastair Grant / POOL / AFP)

Selon des documents internes de la société Uber, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, aurait discrètement soutenu l’entreprise entre 2014 et 2016, malgré la défiance de cette dernière envers la régulation du marché et les avertissements du gouvernement.

Par L’Obs

·Publié le ·Mis à jour le 

Temps de lecture 2 min

Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont font partie la cellule investigation de Radio France et « le Monde », dévoile ce dimanche 10 juillet une longue enquête sur les agissements d’Uber. Elle dévoile comment le géant du VTC s’est implanté dans le monde, notamment en cherchant le soutien de personnalités politiques de haut rang. Parmi celles-ci, il en est une dont on risque de parler tout particulièrement en France : selon « le Monde », plus que du soutien, l’entreprise aurait trouvé « quasiment un partenaire » dans le jeune ministre de l’Economie Emmanuel Macron, en plein conflit social avec les taxis et alors qu’elle se trouvait dans le collimateur de la justice.

Ces enquêtes s’appuient sur des documents internes d’Uber, transmis au quotidien britannique « the Guardian » et partagés avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) : 124 000 documents fichiers, e-mails, présentations, tableurs et PDF, écrits entre 2013 et 2017, détaillant, entre autres, les activités de lobbying d’Uber pour s’implanter en France.

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En 2014, alors que l’exécutif est pourtant publiquement très méfiant − voire hostile − à cette jeune entreprise qui opère en dehors de la loi et est visée par plusieurs enquêtes, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron est alors le seul à soutenir Uber et son modèle.

Il aurait rencontré des dirigeants et lobbyistes de la société à plusieurs reprises, dont le fondateur d’Uber, Travis Kalanick. Au terme d’une première rencontre le 1er octobre 2014 et alors que la loi Thévenoud, censée réglementer l’activité des VTC en France – et bannir les services tels qu’UberPop – vient d’entrer en vigueur, Mark MacGann, lobbyiste en chef pour la zone Europe, Afrique, Moyen-Orient, résume ses impressions dans un mail à des collègues : « En un mot : spectaculaire. Du jamais-vuBeaucoup de boulot à venir, mais on va bientôt danser 😉 »

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Selon ces « Uber Files », au moins dix-sept échanges significatifs (rendez-vous, appels, SMS) ont eu lieu entre Emmanuel Macron ou ses proches conseillers et les équipes d’Uber France dans les dix-huit mois qui ont suivi son arrivée au ministère.

Le nom d’Emmanuel Macron est également régulièrement revenu dans les échanges entre les cadres d’Uber, comme lorsque Mark MacGann affirme pouvoir le « brandir » lors d’une perquisition menée par les services fiscaux au siège d’Uber France en juillet 2015.

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Quelques mois plus tôt, alors que l’entreprise était dans le collimateur de la répression des fraudes, l’entreprise aurait reçu le soutien du ministre. Dans un message envoyé le 17 novembre 2014, Mark MacGann affirme ainsi qu’Emmanuel Macron s’est engagé à intervenir auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (la DGCCRF, qui dépend du ministère de l’Economie), les appelant à ne pas être « trop conservateurs ».

Un « deal » avec Emmanuel Macron

L’enquête révèle par ailleurs le passage d’un « deal » avec l’entreprise californienne entre 2014 et 2015. En contrepartie de la suspension d’UberPop − déjà jugé illégal à plusieurs reprises −, Emmanuel Macron aurait fait miroiter une simplification des conditions pour obtenir une licence de VTC. « Il veut que nous l’aidions en communiquant clairement et de manière agressive », écrit Thibaud Simphal, dans un compte rendu de réunion en janvier 2015.

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Uber serait allé jusqu’à rédiger des amendements afin qu’ils soient proposés à des députés et débattus à l’Assemblée. Ils sont transmis au député socialiste Luc Belot, qui les dépose tels quels ou légèrement modifiés, et assure aujourd’hui auprès du « Monde » avoir été en accord avec leur contenu. Ces amendements sont rejetés ou retirés, mais Emmanuel Macron annonce dans la foulée qu’un décret en reprendra les grandes lignes, et le gouvernement finit par réduire la durée de la formation nécessaire pour l’obtention d’une licence de VTC de 250 à 7 heures.

Consulté par l’ICIJ et ses partenaires, le chef de l’Etat n’a pas répondu précisément, mais le service de presse de l’Élysée précise que les fonctions d’alors d’Emmanuel Macron « l’ont naturellement amené à échanger avec de nombreuses entreprises engagées dans la mutation profonde des services advenue au cours des années évoquées, qu’il convenait de faciliter en dénouant certains verrous administratifs ou réglementaires ».

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