Autonomie de la Corse : Gérald Darmanin donne des gages sans boucler le dossier

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President of the Corsican Executive council Gilles Simeoni (R) listens as French Interior Minister Gerald Darmanin (L) speaks during a visit in Corte, on the French Mediterranean island of Corsica, on February 19, 2023. (Photo by Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP)

C’est un dîner décisif qui se jouait ce lundi soir place Beauvau. Le ministre de l’Intérieur a reçu les représentants de l’île pour évoquer le processus censé conduire à une possible autonomie de la Corse. Après des heures d’échange, Gérald Darmanin s’est félicité d’avancées concrètes.

Il ne pouvait y avoir de perdants dans cette histoire d’autonomie de la Corse. Pas les élus locaux invités place Beauvau lundi soir le temps d’un long dîner. Ils auraient pu craindre d’être accusés de ne pas jouer l’intérêt insulaire en cas d’échec. Et certainement pas le ministre de l’Intérieur, à qui l’on aurait pu reprocher un manque d’investissement dans un dossier dont il a pris soin d’en attribuer la paternité au président de la République.

Il y a tout juste dix jours, Gérald Darmanin décidait d’accélérer la cadence pour tenter de trouver un accord sur ce projet de réforme constitutionnelle d’autonomie de la Corse. Quitte à froisser des élus qui réclamaient un peu plus de temps.

Les derniers soubresauts de cet éternel dossier, il faut le dire, laissaient planer certains doutes. Parce que le travail à conduire pour mettre tout le monde d’accord semblait à tout le moins titanesque. Vendredi soir, les élus Corses s’étaient félicités de réelles avancées. Dans une « déclaration politique solennelle », sans valeur juridique, ils avaient plaidé à l’unisson pour la « reconnaissance constitutionnelle d’une communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle, ayant développé au fil des siècles un lien fort et singulier avec sa terre : l’île de Corse ». Sans pouvoir masquer de réelles divergences de fond, par exemple sur le degré « d’autonomie » qui pourrait être accordé à l’île, notamment d’un point de vue normatif.

Une « singularité dans un statut d’autonomie »

L’idée de l’inscription de l’autonomie dans la Constitution n’a pas posé de problème à Gérald Darmanin. Il a reconnu dans la foulée du dîner avec les représentants élus de Corse la singularité de l’île. Une « singularité dans un statut d’autonomie », a-t-il dit. Restait à savoir quoi mettre dans cette « singularité » et dans ce projet « d’autonomie ». Sur ce point, le conseil exécutif de Corse emmené par Gilles Simeoni avait décidé de pousser loin les négociations.


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Ainsi, et sans obtenir l’unanimité des insulaires, il avait réclamé la mise en œuvre d’un pouvoir normatif de nature législative. « Il ne peut y avoir autonomie sans pouvoir législatif. C’est un corollaire », exposait-il auprès de nos confrères de La Tribune Dimanche. Loin du cadre envisagé a priori par l’exécutif. Un conseiller évoquait avant la réunion le projet de soumettre à l’appréciation des élus corses des « écritures », très « générales » et « génériques », censées recadrer le tout et faire avancer le dossier.

Après plusieurs heures de débat, il semblerait que Gérald Darmanin n’ait pas seulement accepté l’idée d’une capacité d’adaptation de la Corse au pouvoir réglementaire et législatif. Il a aussi validé celle d’une « autonomie législative » propre à la collectivité. Cette position a réjoui Gilles Simeoni. « Il est acté, en l’état actuel du texte, que la Corse sera dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République », a-t-il déclaré à la sortie du dîner.

Une telle spécificité pouvait jusqu’alors ressembler à une ligne rouge. Car les élus LR aussi exposaient des réserves à ce sujet. Une tendance loin d’être anodine, les voix des LR, majoritaires au Sénat, étant indispensables pour faire adopter la réforme constitutionnelle. « Gilles Simeoni va très loin dans ses propositions et il est évident qu’on ne pourra pas le suivre en l’état, confiait le chef des sénateurs LR Bruno Retailleau quelques heures avant le dîner. J’ignore ses intentions réelles mais il défend là une stratégie qui pousse à l’indépendance de la Corse. »

La fin du « processus de Beauvau » ?

Le ministre de l’Intérieur, qui a évoqué face à la presse « cinq grandes avancées », n’a, pour autant, pas accordé de blanc-seing aux élus corses. Le pouvoir de « faire ses propres normes », dans « des domaines très précis de la loi », ne pourra se faire que dans le champ décidé par la loi organique (et donc non garantie par la Constitution), et seulement après avis du Conseil d’État et contrôle du Conseil constitutionnel, a-t-il assuré. Il ne s’est pas non plus engagé à régler tous les débats, renvoyant vers l’Élysée la question de savoir si l’autonomie de la Corse devait s’inscrire dans un titre entier de la Constitution ou dans un simple article. Un sujet jugé important pour les nationalistes.

Gérald Darmanin n’avait pas masqué un « agacement légitime et calme » lorsqu’il a décidé d’accélérer mi-février la cadence des discussions et de reprendre la main. Une attitude qui avait été vivement critiquée à l’époque par Gilles Simeoni. « L’autonomie doit être l’œuvre collective des Corses et non un cadre concédé et bâti par l’État », avait-il lancé. Ce lundi soir, le ministre de l’Intérieur voulait montrer que le « processus de Beauvau », comme on l’a baptisé place Beauvau, était une réussite. Restent des points en suspens, comme celui du statut de résident ou de la co-officialité de la langue corse. Gérald Darmanin relancera le même format dans quinze jours. Mais à la fin, ce sera bien au président de conclure.

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