Les hurlements du public qui l’ont accueillie comme une rock star n’ont pas suffi. A l’Arena de Villepinte, Estelle Mossely, 31 ans, médaillée d’or à Rio et seule Française sur le toit de la boxe olympique, a explosé en vol sur le ring des moins de 60 kg ce samedi 27 juillet, lors de qualifications olympiques riches en décibels. Au terme de trois rounds de trois minutes rythmés par des dizaines d’«ESTELLE» et de la Marseillaise, elle a tenté de garder ses distances face aux multiples crochets de l’Américaine Jajaira Gonzalez, 27 ans. Neuf petites minutes denses, suantes, violentes, et voilà des années d’entraînement réduites en gouttelettes.
A plusieurs reprises, la tricolore ovationnée s’est jetée dans les bras de son adversaire. L’accrochage, signe d’une certaine faiblesse physique, a titillé la patience de l’arbitre, qui lui a demandé de cesser dès le premier round. Un avertissement jugé «sévère» par son entraîneur, Kamel Hasni. «J’ai pas su faire ce qu’il fallait face à cette agressivité. Je suis pas en dessous d’elle techniquement parlant, mais physiquement parlant oui», raconte Mossely, encore essoufflée après sa défaite face à une Américaine ultra-offensive, huée tout le match. «J’ai donné le maximum. J’avais pas mes jambes, je ne sais plus boxer malheureusement. J’étais en total déséquilibre entre le haut et le bas.
«Tout le monde a envie de battre une championne olympique»
A quelques mètres du ring, face aux armées de téléphones et de micros des journalistes, les nerfs de l’athlète lâchent, comme son corps esquinté. En octobre 2023, une fracture au nez a forcé Estelle Mossely à suspendre sa préparation olympique. Depuis sa défaite aux Jeux européens de Pologne en juin 2023, la déjà qualifiée pour Paris n’avait plus concouru.
Estelle Mossely, première Française sacrée championne du monde après un titre olympique, nous… (Dailymotion)
Mais voilà, la petite chérie de Rio en a conscience : l’effervescence brésilienne est loin. «Ça fait quelques mois que c’est plus la Estelle Mossely de 2016.» En huit ans, la jeune mère a vécu mille vies. A commencer par un divorce très médiatisé avec le père de ses deux garçons Tony Yoka, médaillé olympique chez les plus de 91 kilos cette même année faramineuse. «La boxe n’est pas un sport facile, avec deux enfants, ça l’est encore moins», raconte l’ingénieure de formation qui a beaucoup mis en lumière sa maternité et fondé en 2017 l’Observatoire européen du sport féminin, accompagnant les sportives de haut niveau.
Pourtant, il n’était pas question de sororité ce soir, la hargne habitant les deux coins du ring. «Tout le monde a envie de battre une championne olympique», sourit la Française, un peu plus détendue, qui veut désormais «prendre le temps pour réfléchir à [son] avenir sportif». Jajaira Gonzalez souriait aussi avant l’annonce du résultat, sûre de sa victoire. N’en déplaise aux huées.