Le Toulousain fait son entrée en lice, dimanche, dans le bassin de La Défense Arena, avec le 400 m quatre nages, sa course fétiche dont il détient le record du monde.
Le roi est debout pour célébrer son successeur. Michael Phelps, consultant pour la télévision américaine, commente à tue-tête la course hors du commun de l’enfant prodige. A 21 ans seulement, Léon Marchand vient de réaliser un exploit retentissant dans le grand bac de la suffocante Marine Messe de Fukuoka (Japon) : conserver sa couronne mondiale sur 400 m quatre nages en explosant (4’02’’50) le mythique record du monde de la légende américaine. L’image d’après fait le tour du monde. Le maître absolu de l’Olympe, Michael Phelps, adoubant Léon Marchand, héritier de l’homme aux 23 médailles d’or olympiques. Un an plus tard, et à l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024, Léon Marchand a de nouveau rendez-vous avec l’histoire.
Dimanche 28 juillet, dans La Défense Arena de Nanterre, où pas moins de 15 000 personnes espèrent assister à sa consécration, Léon Marchand se présentera en tant que grandissime favori du 400 m quatre nages (séries à partir de 11 heures, finale à 20h30, à suivre sur France 2 et france.tv). Plus attendu que jamais, le nageur des Dauphins du TOEC ne se cache plus face aux projecteurs dressés sur lui. Mieux, il « s’est adapté » à ce nouveau statut et souhaite désormais construire, ici lors des Jeux de Paris, « son propre chemin ». Celui menant vers le panthéon de la natation.
17 juillet dernier, au stade aquatique de Vichy. Il faut le voir pour le croire : il n’est pas 9 heures que tous attendent, impatients, d’accéder aux petites tribunes qui donnent sur le bassin extérieur. « Je crois que nous sommes tous venus pour une chose en particulier : Léon ! », s’exclame Delphine, jeune maman de 34 ans et « nageuse du dimanche ». C’est ça, le « nouveau Léon Marchand ». Un nageur capable de faire déplacer des familles entières, près de 400 personnes à Vichy par exemple, pour assister à un entraînement d’un peu plus d’une heure à l’occasion du stage de préparation de l’équipe de France olympique.
A Chartres déjà, il y a un mois, pour les championnats de France élite – seule compétition qualificative pour les JO –, les travées de l’écrin ultramoderne de l’Odyssée étaient pleines à craquer chaque jour (1 000 spectateurs environ).« Les places pour les soirées de Léon sont parties à une vitesse record », nous a-t-on même assuré du côté de la Fédération française de natation (FFN). Tout le monde veut assister à une course du génie. « On pourra dire qu’on était là avant qu’il gagne toutes ses médailles d’or aux JO », prophétise même Patrice, 42 ans, venu accompagné de ses trois enfants, tous déjà nageurs à seulement six, neuf et onze ans, et des étoiles plein les yeux lors de la séance de dédicaces.
Une nouvelle notoriété accueillie positivement par le champion français, avec un sourire malicieux. « Franchement, des gradins remplis ainsi, notamment pour un entraînement de natation, on n’a pas souvent vu ça en équipe de France je pense, donc c’est cool de le vivre », savourait-il à Vichy, avant de se projeter déjà sur l’échéance olympique. « J’ai envie de me servir de cette énergie qu’ils me donnent. C’est un avantage pour moi d’être à domicile, devant la France entière. On va s’en servir. » « Ce n’est pas quelque chose qui lui fait peur », nous confirme son entraîneur de toujours, Nicolas Castel.
« Je crois que c’est quelque chose qu’il a tout simplement envie de vivre pleinement. Et vivre l’instant présent. »Nicolas Castel, entraîneur de Léon Marchand à Toulouse
à franceinfo: sport
Car le prodige tricolore sait à quoi s’attendre. Dimanche soir, lorsque son nom résonnera au moment de sa présentation dans La Défense Arena, il s’agira de rester imperméable au vacarme général. Habitué des joutes en NCAA (le championnat universitaire américain), Léon Marchand a l’habitude. « Il ne me faut que quelques secondes avant la course pour rentrer dans ma bulle. Et passer en mode tueur. »
Sur le 400 m quatre nages comme sur les autres courses, il en aura bien besoin. Cette nouvelle dimension, Bob Bowman, l’ancien mentor de Michael Phelps qui entraîne Léon Marchand depuis près de trois ans (d’abord à l’Arizona State University, et désormais au Texas), a pu le constater. Mais que ça soit dans les bassins ou en dehors, le coach de 59 ans veille à son bon équilibre.
« Nous avons des mécanismes pour l’aider à [se] protéger de certaines choses, mais vous ne pouvez pas le protéger de tout, avance-t-il. Evidemment, le monde entier va nous regarder. Et il comprend que beaucoup d’attention soit portée sur lui. Je lui ai dit ce que Ian Thorpe [légende de la natation australienne, quintuple champion olympique] m’a dit un jour, et d’ailleurs je l’avais aussi dit à Michael [Phelps] : ‘lorsqu’il y a beaucoup d’attentes de l’extérieur, si vous regardez ça négativement, c’est de la pression. Mais à l’inverse, c’est un soutien ! Quand beaucoup de gens se soucient de ce que vous faites, alors utilisez-le !’ C’est ainsi que nous essayons d’avancer. »
Et jusqu’ici, ça fonctionne à merveille. A chaque grande compétition internationale qu’il a eue à disputer, il est toujours parvenu à faire (beaucoup) mieux d’une échéance à l’autre tant sur le chronomètre que sur le métal des médailles obtenues. Sixième du 400 m quatre nages aux Jeux de Tokyo, il avait ensuite explosé aux Mondiaux de Budapest un an plus tard avec deux sacres (400 m et 200 m quatre nages) et une breloque en argent (200 m papillon). L’été dernier, à Fukuoka, outre son record du monde sur sa distance fétiche, il avait également pulvérisé la concurrence sur les deux autres courses, étant ainsi sacré roi des Mondiaux nippons.
Du phénomène à la star
Des résultats qui ont forcément changé le quotidien du jeune homme. « Ce nouveau statut ? J’ai dû m’adapter parce que je ne suis pas comme ça de base, admet-il. Je ne suis pas une personne très publique, très à l’aise avec tout ce qui est apparition publique. Cela fait depuis presque deux ans déjà que je travaille sur ça et c’est vrai que maintenant, je le vis bien. »
Tout comme le fait de se présenter à chaque compétition, dont les Jeux olympiques, dans la position du favori à battre. « De toute façon, ce statut, il faut bien qu’à un moment donné, il l’accepte, lance Nicolas Castel, qu’il connaît depuis près de quinze ans. Il ne peut pas se positionner en deuxième ou troisième position juste pour ne pas être le chassé. A un moment donné, quand on est le meilleur, il faut l’assumer. »
« [Être favori ?] Oui, j’aime bien. Avant, je n’aimais pas trop, j’avais pas envie de me montrer. Je pense que maintenant, je le vois plus comme un challenge. Je sais qu’en France, c’est difficile de gagner une fois et de regagner un an après. Mais j’ai envie de faire mon propre chemin ici, de prouver que c’est possible. »Léon Marchand, quintuple champion du monde
à franceinfo: sport
Devenu l’un des cadors de la natation mondiale, Léon Marchand a même été élu « nageur de l’année » en 2023 par le célèbre magazine américain Swimming World Magazine. Peut-il désormais passer un nouveau cap et se transformer en une véritable star des bassin?
« Je ne pense pas, c’est juste un gamin non ? », s’amuse à nous provoquer Bob Bowman avant de reprendre, plus subtilement : « Il faut essayer de garder ça… Après, peut-être qu’après les Jeux… Qui sait ? Mais pour l’instant, ce n’est qu’un gamin ! [rires] » Rendez-vous vers 20h34 pour savoir si Léon Marchand a définitivement convaincu son mentor.