Avec l’exposition Hip-Hop 360, retour sur l’histoire du rap, cet art qui séduit autant qu’il bouscule

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L’exposition Hip-Hop 360, à la Philharmonie de Paris, revient sur l’histoire du hip-hop et tout particulièrement du rap. L’occasion de comprendre pourquoi, depuis 40 ans, le genre fait débat en France.

Jul, Ninho, Orelsan, Damso, PNL… À en croire la liste des artistes les plus écoutés en France en 2021, le rap écrase le marché. Pourtant, le genre peine à être légitimé, comme l’a souligné le rappeur SCH aux dernières Victoires de la musique, dénonçant à demi-mot un rap encore sous-représenté dans les compétitions artistiques.

Un clivage qui ne date pas d’hier, en témoigne l’exposition Hip-Hop 360, à la Philharmonie de Paris. Dans ces 700 m² à la gloire de l’art de la rue, les visiteurs retournent aux origines du rap, ou plutôt du hip-hop ! Car attention prévient d’entrée François Gautret, 42 ans, commissaire de l’exposition : C’est une culture globale. Le hip-hop c’est le rap, certes, mais aussi la danse, le graffiti, le beatbox, la mode… Et cet ancien danseur, expert de la culture urbaine, en sait quelque chose. Ici donc, on écoute, on voit, on comprend et on ressent le hip-hop.© Hip-Hop 360 / DRL’exposition Hip-Hop 360 propose une immersion dans la culture urbaine pour en comprendre tous les aspects.

« Rappeurs, haut-parleurs des minorités »

Le voyage démarre 50 ans en arrière, dans les rues du Bronx, à New York (États-Unis). De gigantesques photos en noir et blanc illustrent ce qu’était la vie dans ces ghettos à l’abandon. De l’ennui, on crée des choses, on fait de la musique avec deux bouts de ficelles. Dès 1973 le mouvement hip-hop se met en place, à partir de pionniers comme le DJ Afrika Bambaataa.

À l’époque, le climat social est tendu, les ghettos gangrenés par les guerres de gangs. Plutôt que de s’affronter avec des armes, l’idée du hip-hop était de s’affronter au travers de défis artistiques. La musique, la danse ou le graff sont autant de moyens d’exprimer une réalité pour des populations invisibilisées. Les rappeurs deviennent les haut-parleurs des minorités.© Ouest-FranceLes visiteurs reviennent à la genèse du hip-hop, dans les rues du Bronx (États-Unis).

De l’autre côté de l’Atlantique, le hip-hop pointe timidement le bout de son nez en France dans les années 1980. L’exposition en noir et blanc laisse place aux couleurs. Les pochettes de vinyles côtoient les cassettes et les disques. Les platines scratchent, les visiteurs, casques sur les oreilles, tapent du pied et remuent la tête en rythme.

Le déclic, c’est la tournée des pionniers américains, le New York City Rap Tour, qui arrive à Paris en 1982, raconte François Gautret. Le paysage musical français est alors dominé par la pop ou le rock. Le hip-hop est un ovni, sans codes, qui vient percuter sa génération.

Art populaire et contestataire

Dans les années 1990, le hip-hop se propage en France à travers les ondes des radios alternatives, les clubs ou les clips. Une série de photos vintages illustre les débuts des pionniers français, issus pour beaucoup de quartiers populaires, comme Joey Starr, Kery James, MC Solaar… Chacun, avec son histoire et ses revendications, s’approprie le rap pour faire passer son message. C’est l’art de la débrouille, on le pratique de façon marginale. Il est tout de suite mal perçu, associé à la voyoucratie, mais ça n’a rien à voir… Malgré les critiques, le hip-hop trouve son public. Subversif et populaire, il plaît au public français. Dans les années 2000, des artistes convaincus et emblématiques, comme Booba ou Diam’s, enfoncent le clou.© Sophie BramlyPhotographie de l’exposition : « Danseurs à la Grange aux Belles, Paris (1984) » © Sophie Bramly

Quelques décennies plus tard, l’art de la rue a fait du chemin, le rap devenant le genre musical le plus écouté du pays. Les pochettes d’albums de la nouvelle génération, tous devenus disques de diamant, d’or ou de platine, tapissent fièrement les murs de l’exposition. « Pourtant rien n’a changé, il y a toujours un manque de reconnaissance du rap. Malgré ses chiffres et son hégémonie, ça reste la musique des gens qu’on ne veut pas voir », estime Rodolphe Gagetta, dit Sako, rappeur de 47 ans qui a participé à la réalisation de l’exposition.© Maï LucasPhotographie de l’exposition : « MC Solaar à la sortie de son 45T (Bouge de là), premier single d’or du rap français, avec les gamins du quartier (1990) » © Maï Lucas

Pour lui, le hip-hop est encore trop caricaturé, injustement invisibilisé dans l’espace public et médiatique. On distingue le rap de la musique, on ne le traite pas de la même façon. Pourquoi il dérange autant ? Parce qu’à chaque époque, le rap représente la société, tant dans ses meilleures qualités que ses pires défauts. Et c’est parce qu’il ressemble à la société qu’il est clivant.

Pour François Gautret, les divisions persistent, mais qu’importe. Le milieu hip-hop a tellement été déçu, il n’attend plus la reconnaissance, il s’adapte, il va contre le système en créant son propre système. C’est définitivement un art indomptable, qui file entre les doigts. Et cette exposition en est la preuve.

À voir à la Philharmonie de Paris jusqu’au 24 juillet. Réservation : philharmoniedeparis.fr© Ouest-FranceDes séries de photos vintages illustrent les débuts du hip-hop en France.

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