Gabriel Attal a présenté sa démission à Emmanuel Macron, qui lui a demandé de rester en poste « pour le moment » afin d’ « assurer la stabilité du pays ».
Une période de flottement s’installe. Au lendemain des résultats du second tour des législatives, Gabriel Attal a remis sa démission au chef de l’État, qui lui a demandé de rester en poste « pour le moment » afin d’assurer la stabilité du pays ». En attendant la nomination d’un nouveau Premier ministre, le cabinet actuel devra assurer les affaires courantes. Une période d’intérim, balisée par la jurisprudence, mais qu’on peine clairement à définir en droit. « Il n’existe pas de texte spécifiant ce qu’est une affaire courante dans la Constitution », prévient Bruno Daugeron, professeur à la faculté de droit de l’Université Paris Cité.
Ceci posé, on peut tenter d’en saisir ses contours. « Il s’agit d’un panel de décisions et de tâches qui permettent d’assurer le fonctionnement de l’État et de son administration », indique l’universitaire. Autrement dit, le gouvernement peut toujours agir, mais de façon limitée. « Il peut continuer à prendre des décrets pour des nominations de carrière ou des arrêtés ministériels afin d’assurer par exemple la sécurité de certaines manifestations ». L’exécutif ne peut toutefois pas prendre de décision nouvelle qui engagerait le futur gouvernement. Concrètement, Gabriel Attal ne peut plus déposer de projet de loi ou proposer une révision de la Constitution.
« On évite la paralysie du pays »
Les dossiers traités sont ceux qui ne supposent aucun avenir, résume le juriste. « Il s’agit du contingent, du quotidien, du roulement. On utilise cet intérim pour éviter la paralysie du pays, même si on fait généralement du sur place », poursuit Bruno Daugeron. Un gouvernement peut expédier les affaires courantes, tout comme une collectivité locale qui démissionne. Là encore, le maire et les adjoints de l’ancienne équipe municipale peuvent prendre « des mesures nécessaires à assurer la continuité du service public », selon un avis du Conseil d’État datant de 2011. Rien de plus. « Des décisions importantes, sous le contrôle souverain du juge administratif, ne sauraient être édictées durant cette période », insiste la juridiction.
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En théorie, cette période de transition n’est pas faite pour durer. En théorie, seulement. Car il est arrivé à plusieurs reprises, en Belgique notamment, qu’un « gouvernement d’affaires courantes » reste au pouvoir pendant plusieurs mois. « Aucun texte ne prévoit de durée maximale pour cette période », relève Bruno Daugeron. La tenue des Jeux olympiques et son organisation, définie depuis de longs mois, pourraient alors relever des affaires courantes, dans le cas où la période d’intérim ne serait pas terminée d’ici là.
En France, sous la Ve République, ces passages de relais n’ont jamais donné lieu à des crises particulières. Et ce même si le sujet des nominations au sein de l’administration reste sensible ; Marine Le Pen l’avait montré en évoquant à ce sujet un « coup d’État administratif » de la part de Gérald Darmanin, entre les deux tours. Une accusation qu’avait balayée l’exécutif, pointant du doigt « le manque de connaissances » de la députée RN sur le fonctionnement des institutions.
Le Conseil d’État amené à trancher
Définir une affaire courante n’a donc rien d’évident. « On a du mal à saisir complètement ce que l’expression recouvre. En revanche, on peut savoir ce qu’elle n’est pas lorsqu’un juge est amené à se prononcer », remarque le juriste. Car si le gouvernement démissionnaire sort de son rôle limité aux affaires courantes, ses décisions peuvent être annulées par le Conseil d’État. Ce fut le cas en 1952, où la haute juridiction avait fini par retoquer un décret pris en 1946 par le gouvernement de l’époque concernant l’application d’un droit de la presse en Algérie. Cette mesure ne relevant pas d’une « affaire courante », l’exécutif démissionnaire ne pouvait alors la prendre, avaient tranché les juges.