Un antiallergique détourné pour faire « grossir les fesses » désormais vendu uniquement sur ordonnance

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L’Agence nationale de sécurité du médicament veut « empêcher le détournement pour la prise de poids à des fins esthétiques » de Periactine, en vente libre jusqu’à présent. En décembre dernier, une adolescente avait souffert de graves palpitations.

« Avoir pris 9 kg en seulement un mois, merci Periactine ! » Sur TikTok, une jeune femme dévoile à ses 31 000 abonnés ses formes généreuses en se dandinant. Elle fait au passage la promotion de ce médicament antiallergique, accessible en pharmacie ou sur Internet et souvent détourné pour prendre du poids et faire « grossir les fesses ».

Le but, vanté à grand renfort de « stories » ? Ressembler à la star américaine Kim Kardashian ou à l’influenceuse française Maeva Ghennam, par exemple. Un « mésusage » risqué, qui conduit l’Agence nationale de sécurité médicament (ANSM) à interdire la vente libre de l’antiallergique, annonce-t-elle ce jeudi 27 juin. À partir du 10 juillet, une ordonnance sera obligatoire pour se procurer de la Periactine, basée sur la molécule cyproheptadine.

« Cette décision va dans le bon sens »

Destiné à traiter des symptômes allergiques tels que la rhinite, la conjonctivite ou l’urticaire, ce médicament est aussi connu pour augmenter l’appétit… et donc, faire prendre du poids. Mais comme tous les autres, il peut entraîner des effets indésirables comme une somnolence, des palpitations, ou encore des troubles de la vision. Et ce, surtout chez les jeunes femmes avides d’arrondir leurs formes et aguichées par les réseaux sociaux sans le moindre avis médical.

« Cette décision va dans le bon sens ! » réagit le Dr Laurent Chouchana, responsable d’un centre de pharmacovigilance à Paris et membre de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT). « On a alerté en 2022 en constatant de véritables prescriptions pour prendre du poids sur les réseaux sociaux, puis on a relancé en 2023 pour dire qu’il fallait au minimum réévaluer la balance bénéfice/risque de ce médicament », ajoute-t-il.

De premières mesures de « sensibilisation » avaient été prises en 2022, mais cela n’a pas suffi à tarir les utilisations détournées. « On se base sur des remontées des centres de pharmacovigilance, ce que l’on constate sur les réseaux sociaux, etc. », nous précise le Dr Isabelle Yoldjian, directrice médicale de l’ANSM. En décembre dernier, une jeune fille de 13 ans a souffert de graves palpitations à cause d’un surdosage de Periactine, avalée pour faire « gonfler » ses formes.

Une tendance apparue en Afrique

Jusqu’en 1994, ce traitement était officiellement indiqué pour augmenter l’appétit chez des personnes perdant du poids. La balance bénéfice/risques a alors été jugée insuffisante mais l’usage détourné, apparu en premier dans les pays africains, est progressivement arrivé en Europe, et notamment en France. À Kinshasa (République démocratique du Congo), d’après une étude parue en 2016, 70 % des prises de Periactine visaient à grossir. « Il s’agissait majoritairement d’une population de jeunes femmes qui l’utilisait sur de longues périodes (supérieures à un an) », note la SFPT.

Même pour lutter contre les allergies, il existe aujourd’hui d’autres médicaments beaucoup mieux tolérés et plus efficaces que la Periactine. Le nombre de boîtes délivrées en pharmacie chaque année, devenu assez faible, continue d’ailleurs de diminuer : 281 000 en 2021, puis 197 000 en 2022 et 185 000 l’année dernière. Mais les ventes sur Internet sont impossibles à chiffrer.

D’autres traitements, comme l’antidiabétique Ozempic, sont eux détournés pour… perdre du poids. « Ce sont les deux faces d’une même pièce », illustre Laurent Chouchana. Et Isabelle Yoldjian de conclure : « On est dans le même combat : la lutte contre l’utilisation de médicaments à visée esthétique. Quand on sort du médical, cela peut devenir extrêmement dangereux. »

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