Jachères, haies, contrôles… Les ministres de l’Agriculture de l’UE se penchent mardi sur une révision de la PAC détricotant ses règles environnementales pour tenter d’apaiser le secteur, sur fond de nouvelles manifestations à Bruxelles.
Au grand dam des ONG écologistes, la Commission européenne a proposé mi-mars d’assouplir, voire de supprimer, une partie des stricts critères « verts » que la nouvelle Politique agricole commune (2023-2027), entrée en vigueur l’an dernier, impose aux exploitations.
Réclamées par les Etats face à la colère agricole qui balaye le continent depuis deux mois, ces révisions législatives doivent désormais être négociées et approuvées formellement par les Etats membres et eurodéputés, et ce d’ici fin avril, avant la trêve précédant les élections européennes de juin.
Le sujet s’est invité la semaine dernière au sommet des dirigeants des Vingt-Sept: dans leurs conclusions, ils ont appelé à « accélérer sans délai les travaux sur les solutions possibles à court et moyen termes, visant à réduire la charge administrative ».
« Agriculture, Pacte vert et industrie doivent fonctionner de concert, ce n’est pas l’un ou l’autre, il s’agit d’appliquer le Pacte vert de sorte qu’on puisse garder une agriculture robuste », a insisté vendredi le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE.
Mardi, les ministres débattront des mesures proposées par Bruxelles, tandis qu’en parallèle, une « commission spéciale agricole » réunissant régulièrement des représentants des Etats se positionnera formellement.
Selon une source diplomatique, la majorité qualifiée requise existe déjà parmi les Etats, pour un texte « sans changement substantiel » par rapport aux propositions.
Soucieux de maintenir la pression, le syndicat wallon Fugea et la coordination agricole alternative internationale Via Campesina prévoient de faire défiler quelque 300 tracteurs dans les rues de Bruxelles.
« Les propositions sont insuffisantes pour s’attaquer aux causes profondes » du malaise agricole, indiquent-ils dans un communiqué, dénonçant « des réponses inadéquates aux revendications sur les revenus des agriculteurs », les « pratiques déloyales » de l’industrie agro-alimentaire et réclamant « la fin aux accords de libre-échange ».
– « Retour en arrière » –
Après une suspension temporaire pour 2023 puis 2024, Bruxelles propose notamment de supprimer complètement l’obligation de laisser au moins 4% des terres arables en jachères ou surfaces non-productives (haies, bosquets, mares…) –critère devenu un épouvantail pour le secteur.
Parmi les autres « conditionnalités » fustigées par les organisations agricoles qui les jugent impraticables face aux aléas climatiques: l’obligation de rotation des cultures, que remplacerait une simple « diversification ».
Les législations environnementales de l’UE entrant en vigueur après 2025 n’auraient plus à être traduites dans la PAC. Et en cas d’épisodes climatiques extrêmes, les Etats seraient libres d’introduire des dérogations pour éviter que les agriculteurs encourent des pénalités.
Enfin, la Commission propose d’exempter de contrôles et pénalités liés aux règles environnementales les exploitations de moins de 10 hectares.
Le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires européens, a salué dans une lettre aux ministres « un pas dans la bonne direction (…) apportant plus de flexibilité et prenant en compte les spécificités locales », tout en réclamant « des éclaircissements et ajustements ».
Il se félicite par ailleurs du blocage depuis plusieurs semaines, au niveau des Etats membres, de la législation « restauration de la nature » visant à réparer les écosystèmes abîmés y compris en milieu rural, qu’il juge « mal conçue, mal financée » et insuffisamment évaluée.
A l’inverse, dans une lettre commune, 16 ONG environnementales, dont WWF, Greenpeace ou ClientEarth, ont appelé lundi la Commission à « retirer sa proposition législative », un « retour en arrière » susceptible de dégrader les écosystèmes et « ne faisant ainsi que saper les emplois que la PAC est censée soutenir à long terme ».
Surtout, elle se disent « consternées » qu’une telle proposition législative ait été élaborée « en moins de trois semaines (…) sans analyse d’impact préalable ni consultations significatives des parties prenantes » à rebours des règles de l’UE.
L’accord récent pour reconduire l’exemption de droits de douane à l’Ukraine tout en plafonnant certains produits agricoles n’est pas officiellement à l’agenda de la réunion ministérielle mardi: relevant des ministres du Commerce, il devrait être examiné mercredi au niveau des ambassadeurs des Vingt-Sept.
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