Aulnay-sous-Bois : aux assises, un témoin raconte le supplice de Ridah, poussé par la fenêtre du sixième étage

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Aulnay-sous-Bois, le 19 avril 2023. Le foyer Adef du quartier des 3 000, à l'angle des rues Henri-Matisse et Abraham-Duquesne.

En novembre 2020, la mort par défenestration de Ridah, 47 ans, avait provoqué une onde de choc dans le quartier des 3 000. Pourtant, de nombreux témoins manquent à l’appel au tribunal. Les rares personnes présentes cette semaine à l’audience demeurent traumatisées par ce drame.

« Plus de 400 personnes ont assisté aux obsèques de Ridah, confie Ahmed Achour à la cour d’assises. C’était les trois quarts de la cité. » Son frère, âgé de 47 ans, venait d’être tué dans des circonstances horribles en novembre 2020. L’accusé n’est autre que Kalidou T., 38 ans, son colocataire à la personnalité borderline.

Pensionnaire du foyer Adef, Ridah était aimé de tous. Sa mort avait traumatisé la cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). La victime avait été saucissonnée par son compagnon de chambrée. Ses pieds et les poings, fermement ligotés, étaient reliés par un rideau de douche. Son tortionnaire l’avait poussé dans le vide du haut du 6e étage de la résidence, devant des badauds tétanisés.

« Il y avait une vingtaine de personnes », précise Mohamed ce mercredi devant la cour d’assises de Bobigny. Celui-ci vient tout juste d’être retrouvé pour témoigner devant la cour. « Beaucoup de gens n’ont pas de papier, c’est peut-être pour ça qu’ils ne veulent pas témoigner », en déduit-il. Il y avait pourtant de nombreux hommes présents ce jour-là, mais aucun pour rapporter la scène de défenestration et parler de l’individu qui l’avait poussé.

« Son visage gonflé n’était plus reconnaissable »

Seul à porter la parole de toutes ces personnes défaillantes, Mohamed se souvient avec une émotion intacte de la vision d’horreur qu’il a eue quand il a vu Ridah basculer dans le vide : « Personne ne peut penser que des choses comme ça, ça peut se passer. C’est inimaginable. »

« Il y avait une silhouette de dos, en boule, assise sur le rebord de la fenêtre », explique-t-il en mimant la position fœtale de la victime. Puis il enchaîne : « Il n’est pas tombé directement. On sentait qu’il était retenu. Ensuite, il est tombé de l’étage le plus haut sur le bitume. C’était choquant. »

Le témoin n’a pas eu le temps d’identifier celui qui a poussé Ridah. « Mais les gens du café ont bien vu qu’il y avait quelqu’un derrière. Tout le monde est catégorique, c’est lui (NDLR : Kalidou T.) qui l’a assassiné, il l’a torturé est jeté par la fenêtre. » L’accusé dément : « Arrêtez de dire que c’est moi, s’écrie-t-il. C’est pas moi qu’il l’ait poussé ! »

Autour du corps inerte, « c’est l’affolement total », rembobine Mohamed. Personne n’ose s’approcher. Mohamed s’avance en premier et découvre l’image d’un supplicié. « Il était ligoté, souffle-t-il, la gorge nouée. Son visage gonflé n’était plus reconnaissable. »

Il ne reconnaît pas tout de suite Ridah, un homme qu’il croise pourtant souvent dans le quartier. À l’avocate de la famille, Me Caty Richard, il décrit « quelqu’un de trop gentil ». « C’était une crème, ajoute-t-il. Quand vous le voyiez, on dirait un enfant. »

Ridah était particulièrement vulnérable et était placé sous une tutelle renforcée. À la différence de la victime, Kalidou est dépeint comme « un homme violent, surtout quand il était bourré, menaçant, qui faisait peur à tout le foyer ». Ridah avait recueilli son futur bourreau alors que celui-ci était à la rue. Anouar et Ahmed, ses frères, révéleront que « Ridah en avait marre que Kalidou vive à ses crochets » : « Il a dit stop et ça a été l’élément déclencheur. »

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