Face au gouvernement qui maintient sa réforme des retraites, les syndicats et la gauche jouent très gros sur la mobilisation de ce mardi. Les oppositions à la retraite à 64 ans espèrent que les grèves reconductibles dans des secteurs stratégiques contraignent Emmanuel Macron et Élisabeth Borne à renoncer.
Des grévistes, une France que les syndicats espèrent « à l’arrêt » et un bras de fer que les centrales veulent installer dans la durée. Alors que les notes des renseignements territoriaux évoquent 1,1 à 1,4 millions de personnes dans la rue ce mardi contre la retraite à 64 ans, la journée a de quoi donner quelques sueurs froides au gouvernement.
« L’ampleur de la grève mardi donnera une force propulsive pour la suite », avance le député insoumis Hadrien Clouet auprès de BFMTV.com.
« On joue notre va-tout »
Plusieurs secteurs stratégiques ont appelé à reconduire chaque jour leur grève, à l’instar de la RATP et la SNCF. Dans les raffineries, la possibilité d’une reconduction fait planer le risque d’une pénurie de carburant et l’impossibilité de faire sortir les camions-citernes.
Jusqu’à présent, les syndicats n’avaient pas choisi cette modalité d’action pour garder le soutien des Français, massivement opposés à la réforme, de sondages en sondages.
« On joue notre va-tout, c’est clair et net parce qu’Emmanuel Macron ne bouge pas. Il faut à tout prix que la journée de mobilisation enclenche des choses derrière. Sinon, on va dans le mur », résume encore un syndicaliste de la CFDT.
« Un succès » qui ne « veut pas dire que le gouvernement va lâcher »
Pour l’instant, les syndicats y croient, d’autant plus que ce ne sont pas les centrales au niveau national qui donneront leur assentiment, mais bien chaque fédération, très proche du terrain, qui peuvent avoir envie de passer à la vitesse supérieure.
« La journée sera évidemment un succès pour les organisations syndicales. Ce n’est pas possible autrement quand vous avez un tel refus de la population. Mais ça ne veut pas dire que le gouvernement va lâcher », nuance Bernard Vivier, le directeur de l’Institut supérieur du travail et fin connaisseur des négociations syndicale.
Avant d’ajouter: « le gouvernement n’est pas dans une posture de dialogue mais plutôt de maintien à tout prix ».
Macron droit dans ses bottes
Si l’exécutif a donné des gages de bonne volonté à la droite sénatoriale dont il a tout prix besoin pour faire voter son texte et pouvoir se réclamer d’une certaine légitimité parlementaire – après l’absence de vote à l’Assemblée nationale -, le dialogue est totalement rompu avec les centrales syndicales.
En cause: les propos d’Emmanuel Macron début février appelant à « l’esprit de responsabilité » des syndicats qui a fortement déplu à la CGT et à la CFDT.
Les échanges ne semblent guère plus fructueux avec les Français. Pendant le salon de l’agriculture, le président a été interpellé à de nombreuses reprises sur la réforme. Il l’a défendu bec et ongles en estimant qu’il n’y avait « qu’une solution: travailler davantage ».
« Tout autant déterminés que 15 ministres »
Pas de quoi décourager la gauche qui croit toujours possible de faire reculer le gouvernement. Elle garde en mémoire les grèves de 1995 qui ont bloqué la réforme des régimes spéciaux et le Contrat première embauche en 2006 qui n’a jamais été appliqué malgré sa promulgation.
« Les Premiers ministres Alain Juppé et Dominique de Villepin étaient tout autant déterminés. Ça ne les a pas empêché de reculer à la fin », observe le député Benjamin Lucas (Génération.s).
Le contexte politique est cependant très différent. Dans ces deux cas, les gouvernements étaient très divisés en interne sur l’opportunité de ces réformes et ont lâché leur projet, sous la pression de Jacques Chirac, sensible à la rue.
De quoi faire tourner la mobilisation à un bras de fer psychologique. « On veut montrer que les Français sont encore plus déterminés que 15 personnes en Conseil des ministres », résume ainsi la députée écologiste Marie Pochon.
« On attendra que ça passe »
Dans le camp de l’exécutif, on fait pour l’instant le dos rond en tablant sur un projet de loi voté fin mars.
« On serre les dents et si le conflit se durcit, il se durcit, c’est tout. On attendra que ça passe », décrypte un élu Renaissance.
Le gouvernement espère bien être parvenu à la fin des discussions parlementaires dans les prochaines semaines, avec probablement un 49.3 en bout de course à l’Assemblée nationale.