Un Etat « entreprenant », « audacieux », « intrépide », « résolu », « courageux » pour les quartiers. C’est ce que souhaitent les associations d’élus à l’aube du prochain quinquennat. Six d’entre elles (Association des maires de France, Association des maires d’Ile-de-France, Association des petites villes de France, Villes de France, France Urbaine et Ville et banlieue) ont d’ailleurs présenté des propositions concrètes à l’attention des candidats. Mais, à regarder leurs programmes, la politique de la ville ne semble pas du tout être un enjeu. A quelques exceptions près.
Cour d’équité territoriale
Celui qui y consacre la plus grande partie est sans conteste Yannick Jadot, qui érige même les quartiers populaires en « priorité ». « Une politique d’égalité des droits est nécessaire pour sortir des débats identitaires qui polarisent la société française. L’Etat doit rétablir une égalité entre les territoires et garantir une juste affectation de ses ressources entre chacun », écrit le candidat EELV dans son programme.
Outre l’augmentation du budget de la politique de la ville à 3 % du budget de l’Etat, il souhaite créer la cour d’équité territoriale recommandée dans le rapport « Borloo » afin de « garantir une juste allocation des ressources ».
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Le candidat EELV souhaite que l’Anru et l’Anah s’impliquent davantage dans les enjeux sociaux et climatiques. Pour cela, leurs règlements généraux seront modifiés : la réhabilitation sera privilégiée à la construction et à la démolition, deux fois plus consommatrice de matériaux.
Par ailleurs, le candidat écologiste veut « soutenir les structures d’insertion par l’activité économique dans leur fonctionnement, au-delà des aides aux postes ». Les moyens des associations d’accompagnement à l’entreprenariat local et écologique seront renforcés afin de permettre aux bénéficiaires d’accéder à un environnement favorable et au microcrédit. Le développement des tiers-lieux et des espaces de coworking pour accompagner les nouvelles formes de travail sera soutenu.
Enfin, Yannick Jadot prévoit d’élargir le modèle d’éducation prioritaire avec un système de dotations progressives aux établissements, publics et privés, en fonction de critères de mixité.
Etats généraux des quartiers populaires
De son côté, Jean-Luc Mélenchon annonce vouloir soutenir le tissu associatif local en maintenant les subventions, en généralisant les conventions pluriannuelles et en sortant de la logique des appels à projets. Le candidat « insoumis » propose aussi de renforcer les dotations de l’Etat pour les territoires et régions en retard de développement économique et social, et d’organiser des états généraux des quartiers populaires et des états généraux des espaces ruraux « pour construire une véritable égalité territoriale notamment dans les services publics ».
Jean Lassalle, qui dédie aussi un court chapitre au sujet, partage cette idée d’états généraux pour la banlieue afin « d’élaborer un plan de coconstruction de la politique de la ville avec les citoyens, les élus, les acteurs institutionnels et associatifs ». Il souhaite également faire respecter la loi « SRU ». Pour rappel, elle impose un certain nombre de logements sociaux aux communes de plus de 3 500 habitants (de 20 à 25 %) pour une meilleure mixité sociale. « En 2019, 53 % du millier de communes concernées n’atteignaient pas ce seuil », note le candidat du mouvement Résistons !
Fin des « ghettos »
Pour Valérie Pécresse, le chapitre politique de la ville se résume au « plafond antighettos » afin d’« assurer une vraie mixité ». Il s’agirait de plafonner à 30 % la part des logements très sociaux dans les communes et de donner davantage de pouvoirs aux maires dans l’attribution des logements sociaux. « Nous allons détruire en dix ans les ghettos de France, nous allons reconstruire des quartiers où il fait bon vivre, où nous allons mettre du beau, du bon et du bien ! » avait-elle déclaré lors d’un déplacement à Meaux le 22 mars.
La candidate LR propose par ailleurs que « chaque euro dépensé dans les quartiers prioritaires de la ville soit aussi dépensé dans les territoires ruraux ». Une position souvent défendue par le Rassemblement national.
Anne Hidalgo évoque, elle, une autre sorte de ghetto : celui de l’école. Elle souhaite « rétablir la promesse de la République et permettre la réussite de tous les élèves ». Pour cela, elle propose que les autorités locales (conseil départemental et inspection académique, en lien avec les communes) adoptent dans chaque département un plan « mixité » permettant de mettre fin aux collèges-ghettos. « Elles auront la responsabilité, en concertation avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative (enseignants, parents, associations), de définir les mesures les plus adaptées à leur territoire (modification de la carte scolaire, secteurs multi-collèges…) », précise la candidate PS. L’enseignement privé sous contrat sera associé à ce plan mixité.
Pour Eric Zemmour, la politique de la ville n’aura tout simplement plus le droit de cité. « Sous ma présidence, la priorité donnée aux banlieues prendra fin, car tant d’autres territoires méritent l’attention et le soutien financier de l’Etat », écrit-il en préambule de son programme. Il propose ainsi de « mettre fin au gaspillage de la politique de la ville en réorientant les crédits alloués par l’Anru vers les campagnes » et de « réinvestir les sommes colossales de la politique de la ville, investies dans les banlieues, dans la rénovation des centres des villes moyennes, des bourgs et des villages ».
Si le programme de Fabien Roussel n’aborde pas directement ce thème, on peut rappeler que son « projet des jours heureux » s’adresse principalement aux classes populaires. Le candidat communiste met en avant sa théorie du « roussellement », consistant à augmenter les salaires et les retraites, et veut redonner du temps à l’école pour lutter contre les inégalités. Même stratégie pour la représentante de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud, dont tout le programme s’adresse « au camp des travailleurs » et propose la revalorisation du Smic à 2 000 euros. De son côté, Marine Le Pen, qui a souvent dénoncé l’échec de la politique de la ville, s’adresse aux banlieues et à leurs habitants via le prisme de la sécurité mais aussi du pouvoir d’achat (réduction des taxes sur les carburants et le gaz, mise en place d’une aide pour les familles monoparentales, retraite plancher à 1 000 euros mensuels…).
Enfin, pour le président sortant, Emmanuel Macron, malgré la mise en place d’un conseil interministériel des villes en janvier 2021 et le déblocage de fonds spécifiques, aucune ligne de son programme ne concerne directement la politique de la ville.