Sur un ring de Bangkok, Anthony, le champion français, affrontait Phanphet. Celui-ci ne s’est pas relevé.
Anthony Durand est inconsolable. Tant de nuits à ne pas trouver le sommeil, à se réveiller les yeux rougis et à ressasser ce mauvais rêve… À Nemours, ce papa poule de 22 ans, déjà père de trois enfants âgés de 5 mois à 3 ans, Lyna, Inaya et Haïm, essaie d’oublier, dans l’amour de ses petits, la tragédie survenue voilà près de trois semaines à Bangkok. Un terrible et indélébile «hapax» dont il se serait volontiers passé. Le muay thaï, la boxe thaïlandaise, cet art martial né au royaume d’Ayutthaya au XIVe siècle, il avait 12 ans quand il en est tombé amoureux. Avec une obsession : en faire son métier, et boxer à Bangkok contre les maîtres de la discipline.
Avec environ 50 000 licenciés, la boxe thaïlandaise est extrêmement populaire en France, le pays d’Europe qui compte le plus de pratiquants. Déjà deux fois champion de France de muay thaï, Anthony en impose. « Il est un des boxeurs les plus doués de sa génération. Le projet, c’était de devenir champion du monde avant 25 ans », assure, très ému, Faousi Arfaoui, son coach au Château thaï boxing de Nemours. Le jeune Français a déjà réalisé son rêve et fait plusieurs voyages en Thaïlande. Direction les camps d’entraînement à la dure, où l’on court dix kilomètres dès 5 h 30, dans une étuve et une touffeur à faire passer nos canicules pour des avis de grand frais. Chaque jour, il faut soulever des tonnes de fonte et multiplier les tractions, les séries de milliers d’abdos, les coups de genou au sac de frappe. Et surtout les corps-à-corps contre des sparring-partners morts de faim, durs au mal et aux muscles d’airain. Les jeunes Français, caïds dans leurs clubs, qui viennent se frotter aux champions locaux sont légion. La plupart repartent contrits, couverts d’ecchymoses, souvent alignés pour le compte dès le premier round de leur première compétition. Mais pas Anthony.