Pour les premiers jours du second quinquennat, l’heure est à la discrétion sur les bancs de l’exécutif. Les premiers mois du second mandat d’Emmanuel Macron ont déçu jusqu’aux fidèles qui espèrent désormais voir le président reprendre la main.
« On n’a rien à fêter de particulier. On peut seulement souffler et se dire qu’on a enfin commencé à mettre le train sur les rails », lâche un député, fidèle de la première heure.
Flottement pour nommer sa Première ministre
À peine réélu le 24 avril dernier face à Marine Le Pen, le locataire de l’Élysée juge urgent… de ne rien changer. Alors qu’il avait promis ne pas vouloir faire un second mandat « pour rien », assurant de sa volonté d’une « révolution écologique », il décide de maintenir Jean Castex à son poste plus de trois semaines.
C’est que le casting à Matignon s’avère plus compliqué que prévu. La fiche de poste a beau être dressée, le mouton à cinq pattes qui doit cumuler la fibre « sociale, environnementale et productive« , en plus d’être une femme, n’est pas évident à trouver. Après une longue hésitation, c’est finalement Élisabeth Borne qui est nommée.
« Ce n’est pas tant sa nomination qui a donné une drôle d’impression que cette attente qui n’en finissait pas. On a eu le sentiment qu’on n’avait pas vraiment préparé l’après-réélection », lâche auprès de BFMTV.com un sénateur Renaissance (ex-La République en marche).
L’affaire Abad, la première tempête
Tout juste nommée, la Première ministre doit affronter sa première tempête politique. Le lendemain de la nomination de son gouvernement, Mediapart révèle une plainte et un signalement pour viols qui visent Damien Abad, le nouveau ministre des Solidarités.
« On a voulu faire un coup politique en prenant une pointure des LR. Résultat: on est dans la mouise totale », se désespérait un conseiller de Bercy dans la foulée.
Silence radio rue du Faubourg Saint-Honoré avant que la présidence ne reconnaisse finalement avoir été au courant du dépôt d’une plainte, d’après des informations de BFMTV.
Le fiasco du Stade de France, la séquence qui fait tache
Moins d’une semaine plus tard, Emmanuel Macron doit affronter une autre séquence qui fait très mauvais effet: le fiasco du Stade de France. D’abord droit dans ses bottes, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin est contraint de présenter de timides excuses, après des remontrances du président.
À deux semaines des législatives, certains commencent à s’inquiéter au haut lieu.
« On a enchaîné les couacs et on a finalement très peu vu le président à ce moment-là alors que les députés sortants étaient en campagne. On a été nombreux à lui dire ‘allez, maintenant, tu sors du bois' », confiait alors un parlementaire à BFMTV.
Des législatives ratées
Message reçu: trois jours avant le premier tour des législatives, le chef de l’Etat se lance dans une allocution sur le tarmac d’Orly, avant une visite en Roumanie, puis à Kiev. Sentant le vent tourner, il tance tous azimuts le Rassemblement national et la Nupes avec l’objectif d’obtenir la majorité absolue.
« Nous avons besoin d’une majorité solide pour défendre notre économie, vos économies. Rien ne serait pire que de nous perdre dans l’immobilisme, le blocage et les postures », lance-t-il sous l’œil des caméras, dans une séquence qui a beaucoup étonné.
Las. La coalition présidentielle ne parvient à décrocher que la majorité relative avec 246 députés Renaissance, Horizons et Modem, très loin des résultats de 2017 avec 308 élus sous les seules couleurs du président.
Pire encore: des piliers historiques, pivots du dispositif présidentiel, sont défaits, à l’image de Christophe Castaner et Richard Ferrand, tout comme plusieurs de ses ministres. Le Rassemblement national parvient de son côté à faire entrer 89 députés tandis que l’union de la gauche avec la Nupes compte désormais 131 élus à l’Assemblée.
Une communication jugée désastreuse
« On avait de l’or entre les mains avec Marine Le Pen qui avait baissé les bras avant même de se battre et Jean-Luc Mélenchon qui est un repoussoir pour les électeurs modérés. On a tout gâché, on n’a pas pris le temps de se battre », se lamente alors une conseillère ministérielle.
Sur le banc des accusés pour justifier cette stratégie ratée, l’absence d’un conseiller communication aux côtés du chef de l’État. Le fidèle Clément Léonarduzzi a quitté le navire quelques jours après le second tour de la présidentielle et le poste a été laissé vacant dans un moment crucial (sa successeure Quitterie Lemasson a été finalement nommée samedi 30 juillet, NDLR).
La fatigue pèse également lourd dans la balance, entre campagne présidentielle, guerre en Ukraine et présidence tournante de l’Union européenne, donnant le sentiment d’un président « usé », « qui n’a plus envie ».
« Une nouvelle méthode » pour reprendre la main
Contraint de faire avec la nouvelle donne politique, Emmanuel Macron veut cependant reprendre la main et promet de lancer « une nouvelle méthode » pour « coconstruire » les projets de loi, au-delà des étiquettes partisanes. Dans son viseur, les députés LR, vus désormais comme des faiseurs de majorité à l’Assemblée nationale.
Soucieux de se mettre en scène, le président multiplie les consultations tous azimuts avec les chefs de partis. Malgré tous ses efforts pour débaucher des figures de la droite, il ne parvient à faire entrer dans son gouvernement que des élus en rupture de banc avec leur parti comme Christophe Béchu et Caroline Cayeux.
Mais cahin-caha, l’exécutif parvient, malgré plusieurs déconvenues, à faire adopter trois projets de loi à l’Assemblée nationale: Covid-19, pouvoir d’achat, projet de loi de finances rectificatives. De quoi laisser augurer des jours meilleurs sur les bancs de l’exécutif.
Une rentrée sous haute tension
« Il a mis du temps à digérer la nouvelle situation qui est assez inédite et loin de sa façon d’exercer le pouvoir mais on voit qu’on y arrive maintenant et qu’on a compris comment faire », avance, optimiste, un conseiller ministériel.
L’automne aura valeur de test, avec le projet de finances 2023. Hautement technique, le budget du pays est également très politique et montrera si la méthode des concessions du président vis-à-vis des LR paie.
L’exécutif espère également que les Français apprécient les gestes du gouvernement pour le pouvoir d’achat dans les prochaines semaines et les mettent au crédit du président.
Pour se donner du baume au cœur après des mois de flottement, un sondage a probablement remonté le moral d’Emmanuel Macron: sa popularité a gagné 4 points au mois de juillet d’après un sondage BVA pour RTL, après avoir sévèrement devissé en juin.