Les hôpitaux du Sri Lanka, victimes des pénuries, sont désertés

0
86

Le plus grand hôpital du Sri Lanka, comptant 3.400 lits, est non seulement confronté à de graves pénuries de médicaments mais il est déserté par les malades et les personnels soignants privés de moyens de transport, même le service des urgences est vide.

La plus sévère crise économique de l’histoire du Sri Lanka menace les services de santé, gratuits et universels, que les pays d’Asie du Sud lui enviaient, il y a encore quelques mois.

« Les admissions à l’hôpital ont diminué de 60% », déclare à l’AFP le Dr Vasan Ratnasingham, qui dirige une association de médecins à Colombo, « même les patients qui devaient subir une intervention chirurgicale ne se présentent pas ».

Faute de carburant, l’acheminement des malades et des personnels soignants est entravé.

« Certains membres du personnel médical font des doubles gardes car d’autres ne peuvent pas venir travailler », raconte le Dr Vasan, « ils ont des voitures mais pas de carburant ».

Et les rares malades, qui réussissent à atteindre l’hôpital national de Colombo, y sont traités avec les moyens du bord.

Malgré la douleur de ses genoux, provoquée par le diabète et la tension artérielle, à 70 ans, Theresa Mary a parcouru cinq kilomètres pour parvenir jusqu’à l’établissement où elle a été admise.

Quatre jours plus tard, à sa sortie de l’hôpital en panne de tranquillisants et de nombreux autres médicaments, sa souffrance, qui n’a pu y être soulagée, l’inquiète.

« Les médecins m’ont prescrit des médicaments à acheter dans une pharmacie privée, mais je n’ai pas d’argent », confie-t-elle à l’AFP.

« Mes genoux sont toujours enflés et je n’ai pas de toit à Colombo. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir marcher », ajoute-t-elle, regard anxieux et larmoyant, avant de s’éloigner en claudiquant.

– Les stocks de sang s’épuisent –

Le Sri Lanka, aujourd’hui en faillite, n’a plus de devises étrangères pour faire tourner l’économie et importer 85% de ses besoins en médicaments et équipements médicaux.

Le pays manque de tout depuis des mois, nourriture, carburant, matières premières.

« Les analgésiques, les antibiotiques et les médicaments pédiatriques sont extrêmement rares. Certains médicaments sont devenus jusqu’à quatre fois plus chers ces trois derniers mois », K. Mathiyalagan, 40 ans, un pharmacien.

« Une multitude de médicaments basiques sont complètement épuisés, et même si les grossistes ont des stocks, l’approvisionnement reste très lent », ajoute M. Mathiyalagan, membre du Comité Pharma de Colombo, une association de pharmacies privées de la capitale.

Chaque jour, sa pharmacie rejette environ 30 ordonnances sur 100, manquant des médicament prescrits.

« Les médecins prescrivent sans savoir ce qui est disponible dans les pharmacies », remarque le pharmacien.

Les stocks de dons de sang et de consommables s’épuisent, s’inquiètent les médecins de l’hôpital national.

– « Au bord de l’effondrement » –

« Nous sommes contraints de limiter les opérations des cas sans gravité pour n’accorder la priorité qu’aux urgences », explique à l’AFP un médecin ayant requis l’anonymat.

Les autorités du ministère de la Santé ont refusé de s’exprimer sur l’état des services de santé dont dépendent 90% de la population .

La Banque mondiale a récemment réorienté des fonds de développement pour aider le Sri Lanka à s’approvisionner en médicaments dont il a le plus besoin, comme les vaccins antirabiques.

Le mois dernier, les Nations unies ont lancé un appel à l’aide internationale afin de réunir 47,2 millions de dollars et d’apporter une aide devenue vitale, à ce stade.

« Le système de santé sri-lankais, autrefois solide, est aujourd’hui en péril, les moyens de subsistance sont affectés, les plus vulnérables paient le plus lourd tribut », estimait alors Hanaa Singer-Hamdy, coordinatrice résidente des Nations unies au Sri Lanka.

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), près d’un quart des 22 millions d’habitants de l’île, a besoin d’une aide alimentaire, et plus de cinq familles sur six ne mangent pas à leur faim ou achètent des aliments de moindre qualité.

Si cette situation perdure, « davantage d’enfants mourront et la malnutrition va devenir chronique », met en garde le Dr Vasan, « tout le système de santé risque de se retrouver au bord de l’effondrement ».

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici